Nord et sud par emmanuelw
La poésie d'Elisabeth Bishop est douce, précise, profonde, élégante, méconnue en France, mis à part peut être le chef d'oeuvre qu'est l'art de perdre, qui ne fait pas partie de ce recueil mais y a t il d'autres textes traduits? celui ci est bilingue. Pour ceux qui ont la chance de ne le découvrir, voici l'art de perdre:
Dans l'art de perdre il n'est pas dur de passer maître;
tant de choses semblent si pleines de l'envie
d'être perdues que leur perte n'est pas un désastre.
Perds chaque jour quelque chose. L'affolement de perdre
tes clés, accepte-le, et l'heure gâchée qui suit.
Dans l'art de perdre il n'est pas dur de passer maître.
Puis entraîne-toi, va plus vite, il faut étendre
tes pertes: aux endroits, aux noms, aux lieux où tu fis
le projet d'aller. Rien là qui soit un désastre.
J'ai perdu la montre de ma mère. La dernière
ou l'avant-dernière de trois maisons aimées: partie!
Dans l'art de perdre il n'est pas dur de passer maître.
J'ai perdu deux villes, de jolies villes. Et, plus vastes,
des royaumes que j'avais, deux rivières, tout un pays.
Ils me manquent, mais il n'y eut pas là de désastre.
Même en te perdant (la voix qui plaisante, un geste
que j'aime) je n'aurai pas menti. À l'évidence, oui,
dans l'Art de perdre il n'est pas dur de passer maître
même s'il y a comme )écris-le!) comme un désastre.