Il est écrit "Nouvelles" sur la couverture, mais Nostalgie de la rizière n'est pas vraiment un recueil de nouvelles. Il s'agit plutôt d'un recueil de souvenirs. Ou une succession de tableaux et de paysages. Chaque histoire ne fait que quelques pages et se lit très bien toute seule. En fait, j'ai lu ce recueil de manière peu orthodoxe : il s'intercalait entre la lecture d'autres romans plus imposants et plus linéaires, je prenais un chapitre au hasard en faisant la queue, un autre pendant une pause au travail... C'est un livre où on peut piocher et papillonner, y trouver des moments de respiration entre deux autres lectures.
Nostalgie de la rizière évoque le passé et sa douleur diffuse, thème récurrent de la littérature vietnamienne traduite en français, mais cela parmi mille et une autre choses, comme la couleur rouge de la terre, une petite marchande de tofu, ou l'eau des jarres qui croupit. Ce ne sont que des petites histoires, des notes de voyage, des souvenirs personnels, de menus détails. L'histoire d'un petit garçon qui vend un cochon pour pouvoir aller chanter au conservatoire, le chemin pour aller à la Pagode des parfums ou Saigon à 4 heures du matin.
Ca n'a l'air de rien. Mais en racontant ces petites choses, en esquissant ces fragments de vie avec une écriture qui mélange poésie et simplicité, et un ton d'une grande douceur, l'auteure dresse un tableau du pays plus évocateur et plus charnel qu'il n'en parait à prime abord. C'est en tout cas celui qui m'a le plus émue parmi toutes les lectures que j'ai faites. Car j'y ai retrouvé un état d'esprit que je n'ai vu que chez ma grand-mère et certaines de mes rencontres pendant un séjour là-bas : un mélange d'humour, de volonté cachée derrière un sourire discret et de nostalgie douce-amère. Anna Moï y raconte son Vietnam, mais un Vietnam qui touchera tous les lecteurs sensible à la beauté diffuse.