Plus connu pour son cinéma, son théâtre et ses romans que pour ses essais, Pagnol mérite pourtant qu'on chante ses louanges dans ce domaine.
La tâche est loin d'être simple : à vouloir analyser les mécaniques du rire, bien des auteurs se sont cassés le nez rouge en essayant de percer le mystère de ce phénomène si universel et fascinant, auquel la dissection et l'analyse à froid rendent souvent peu justice.
On retient généralement Bergson, dont les conclusions ont été maintes fois débattues mais dont l'ouvrage possède selon moi un défaut majeur : il est chiant à mourir.
Bergson (que Pagnol cite en préambule et dont il se permet de valider certains grands principes) n'est pas rigolo. Ce n'est évidemment pas son but mais c'est une raison de plus pour apprécier ce que Pagnol a à ajouter sur le sujet.
Car "Notes sur le rire" est un petit bijou de vulgarisation.
Loin d'être étranger à l'écriture de la comédie, Pagnol nous fait profiter de son savoir-faire pour illustrer chacune de ses thèses par un exemple souvent bien choisi, qui achève généralement de nous convaincre du bien-fondé de ses observations.
Sarcasme, auto-dérision et décalage absurde sont autant d'outils qu'il emploie pour nous faire suivre le fil de sa pensée.
Chaque point abordé s'accompagne d'une ou plusieurs anecdotes personnelles, servant de démonstration à l'idée qu'il cherche à nous soumettre. Sont-elles vraies ou non ? Qu'importe ! Le fait est qu'elles permettent de joindre allègrement la pratique à la théorie. Il va même jusqu'à l'auto-citation.
On pourra me dire qu'il se perd parfois dans des digressions et des détails qui ne servent pas toujours bien la clarté de l'exemple.
Je répondrai qu'au style austère et presque banal d'un Bergson, je préfèrerai toujours un Pagnol qui s'amuse à m'amuser pour mieux me convaincre.
Les histoires racontées valent souvent le détour (mention spéciale à l'oignon d'Espagne) et une grande majorité de l'argumentation avancée paraît toujours recevable aujourd'hui.
L'essai a, en plus, l'avantage d'être court, qualité qui, pour ce genre d’œuvres, relève du miracle salutaire.