Nour, pourquoi n'ai-je rien vu venir ? par François CONSTANT

Rachid BENZINE est un islamologue français qui, depuis longtemps déjà, défend une posture digne et intéressante à mes yeux. Selon lui, le CORAN, pour être respecté dans son esprit a besoin d’un travail d’exégèse. Remettre sa forme dans un contexte historique pour en comprendre le fond, la portée, l’invitation de Foi faite aux musulmans. Cette position est courageuse face au radicalisme islamique de certains et elle n’a pas valu que des applaudissements à R. BENZINE, loin de là !
Pour rappel, n’oublions pas, avant toute critique de cette volonté d’exégèse apparaissant tardive aux yeux de certains, que l’Islam est né au sixième siècle, soit 600 ans après le christianisme et qu’il a été nécessaire d’attendre des siècles et des siècles pour que l’idée même d’une étude exégétique des textes bibliques soit admise par les religieux chrétiens se réclamant de la révélation du Livre.
Ceci étant dit, le contenu du livre « Nour, pourquoi n’ai-je rien vu venir ? », signé Rachid BENZINE, prend tout son sens et revêt une importance capitale dans le dialogue nécessaire à mettre en place entre les tenants d’un islamisme passé à la critique historique et les djihadistes de Daesch.
Rachid BENZINE a imaginé l’échange de lettres entre un père pratiquant l’Islam, lui-même islamologue féru d’analyses, de questionnements et de travaux historiques et sa fille, jeune adulte partie rejoindre Daesch pour s’y marier et soutenir la cause de l’état islamique. Ce qui est intéressant, c’est que le dialogue père-fille, en conflit permanent sur les valeurs, est un dialogue réfléchi, argumenté, violent parfois mais qui reste possible parce que l’amour de l’un pour l’autre et vice-versa reste plus fort que ce qui les sépare. S’en suit une remise en question des certitudes, des attitudes à adopter, des choix de vie à poser. Choc des idées, des générations, des croyances et de la manière de les vivre !
Le texte est d’une force incommensurable, d’une densité à couper le souffle … ou plutôt à le rendre, ce souffle, à la vie, à l’espoir, à l’avenir. Ce texte, écrit à la suite des attentats de Paris, pose un vrai jalon dans la compréhension du phénomène terroriste et dans la nécessaire confrontation des idées n’acceptant pas de lâcher les principes de vie qui rendent possible et la vie en commun, et l’altérité !
Sous l’impulsion de Rachid BENZINE lui-même, ce livre est devenu une pièce de théâtre (Lettres à Nour), mise en scène par l’auteur lui-même, dans une sobriété qui laisse entièrement la place à la prise de distance, à la réflexion et aux échanges que suscitent les débats entre les acteurs, le public (débat le plus souvent vécu en présence d’un islamologue capable d’éclairer les spectateurs sur les notions de base qui ont présidé à l’écriture de ce livre-spectacle).

« Lettres à Nour », une expérience à vivre, que ce soit en lecture ou en partage théâtral. Une occasion à ne pas manquer si elle vous est donnée…

François_CONSTANT
10

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Mes coups de coeur et 2018 Top 10 de mes lectures

Créée

le 26 janv. 2018

Critique lue 422 fois

3 j'aime

Critique lue 422 fois

3

Du même critique

Charlotte
François_CONSTANT
8

Critique de Charlotte par François CONSTANT

La chevauchée tragique de la Mort qui pousse à vivre. La Mort qui s’approche, s’accroche, fait peur, étouffe, éloigne, rapproche. La Mort qui force Charlotte Salomon, juive allemande, à devenir sa...

le 20 nov. 2014

18 j'aime

4

L'Amour et les forêts
François_CONSTANT
8

Critique de L'Amour et les forêts par François CONSTANT

À travers « L’AMOUR ET LES FORÊTS », paru chez Gallimard en 2014, je découvre l’auteur Éric REINHART. Belle découverte ! Bénédicte Ombredanne est une lectrice de cet auteur. Ayant apprécié son...

le 27 févr. 2015

17 j'aime

4

L'Art de perdre
François_CONSTANT
8

Critique de L'Art de perdre par François CONSTANT

« L’art de perdre » écrit par Alice ZENITER est la troublante histoire du silence de deux nations conduisant à la perte de paroles, donc de mémoire, de trois générations, celles d’Ali, Hamid et...

le 7 nov. 2017

14 j'aime