Nuées Ardentes raconte l’histoire de Max et Aïcha, vivant dans une réalité alternative où la dictature a pris le pouvoir et la technologie a dominé le monde. La société est maintenant hiérarchisée en différentes classes et les deux personnages qu’on va suivre tout le long du récit sont catégorisés comme Indésirables . Ce sont pour le gouvernement de véritables parasites de la société qui n’ont quasiment aucun droit car ils ne sont ni blancs, ni cisgenres, ni hétérosexuels. Max et Aïcha vont devoir survivre dans une société qui n’accepte pas leur existence mais également dans un monde où le chaos règne à tous les niveaux.
Ilys Wattel n’hésite pas à montrer toutes les facettes du monde dans son œuvre, le livre oscille constamment entre l’horreur la plus innommable et l’innocence la plus pure, qui est d’autant plus prononcé que ces deux thèmes sont incarnés dans les deux personnages principaux : Aïcha va vivre des expériences traumatisantes tout au long du récit mais le ton macabre de son personnage est contrebalancé par celui de Max qui est un véritable rayon de soleil, la lueur d’espoir d’Aïcha qui lui permet de s’accrocher à la vie. Le monde dans lequel vivent les deux protagonistes est condamné, aucun retour en arrière n'est possible, les conséquences sont irréversibles, d’autant plus que les traumatismes que vivra Aïcha viennent confirmer que tout est mort, vide de sens, sans plus aucune importance. Pourtant, il y a toujours cette lueur d’espoir, une graine que vient semer l’auteure tout le long de ce récit. Le roman délivre un tas d’émotions contradictoires, c’est une constante montagne russe émotionnelle, où l’on passe du paradis idyllique à un enfer abominable en un claquement de doigt. Cette ambivalence entre horreur et innocence permet de délivrer un message extrêmement nuancé : le monde n’est ni bien ni mauvais, il est imparfait et c’est ce qui fait en quelque sorte sa beauté.
De plus, le livre est une véritable dénonciation, un cri du cœur. On peut y voir de claires critiques des réseaux sociaux, de la technologie, du pouvoir, de la guerre, de la violence, de l’intolérance et du conformisme.
Le pays où évoluent les deux personnages que l’on suit, est gouverné par le Parti du Bon Ordre après une guerre à échelle mondiale qui a condamné une grande partie de la planète. On y retrouve donc à la tête de ce gouvernement un seul nom : Rothschild, il est décrit à l’instar d’un Adolf Hitler d’un Joseph Staline ou encore plus récemment d’un Kim Jong-un comme le bien aimé, c’est un véritable culte de la personnalité qui s’opère. Ce gouvernement créa Yama, une immense banque de données permettant de surveiller les moindres faits et gestes des citoyens et de les classer socialement. Les citoyens filment et photographient des scènes de leur vie quotidienne pour gagner des points et espérer s’élever socialement, ceux qui ne s’y plient pas, seront des Prolétaires, voire pire, des Indésirables. On s’aperçoit alors que les citoyens se piègent eux-mêmes en jouant au jeu du gouvernement qui prend un malin plaisir à tirer les ficelles. Le peuple se sabote tout seul et cela représente fidèlement l’être humain. Comme il est si bien dit dans le roman, Yama est un outil pour «Faire en sorte que les citoyens soient leur propre Big Brother». C’est terriblement percutant quand on sait comment les politiques peuvent manipuler les médias et l’information pour faire croire tout un tas de choses au peuple.
Et des parallèles avec notre monde actuel on peut en faire des tonnes, on y retrouve toutes les facettes de la société, le trait est certes très grossi (parfois même un peu trop à certains moments) mais Nuées Ardentes est un réel écho de notre monde actuel, de toutes ses déviances et un avertissement de ce que pourrait devenir notre société. Le roman d’Illys Wattel se révèle être une œuvre d’anticipation qu’on peut facilement comparer avec une œuvre telle que Black Mirror, la célèbre série Netflix dénonçant également le mauvais usage des technologies. Mais Nuées Ardentes est également une œuvre profondément militante, qui prône à tout prix la liberté de l’individu.
J’ai adoré suivre l’histoire d’Icha et Maxie, ils ont énormément de substance qu’ils transmettent au récit, on croit à leur histoire car ils y sont profondément ancrés. Je n’imagine pas ces personnages exister autre part que dans le monde de Nuées Ardentes tant leur histoire, leur force de caractère et leur lien prend source dans l’univers mis en place.
J’ai également adoré leur relation : une amitié si forte, qu’elle se confond avec une relation amoureuse, je dirais même que c’en est une à part entière, ils entretiennent clairement un amour platonique. Et ce qui est fort avec leur lien c’est que ça m’a plus touché qu’une relation amoureuse banale, car l’auteure arrive à nous faire ressentir ce puissant amour tout le long du récit sans tomber une seule fois dans la niaiserie. Cet amour est authentique et unique et c’est en cela que c’en est une force.
L’art et la drogue ont une place prédominante dans son œuvre. L’art, c’est ce qui permet aux deux protagonistes de garder cette lueur d’espoir, on a droit donc à des moments très légers où Max et Aïcha chantent, font des pièces de théâtres et récitent des poésies.
Ils vont même s’y adonner pendant une grosse partie du récit lorsqu’ils rencontrent les argonautes : une troupe d’artistes itinérants clandestins.
La drogue elle, est ce qui reste aux deux amis pour supporter le monde qui les entoure, ils s’en servent à la fois comme un outil mais aussi comme un médicament.
Mais un des plus grands points forts pour moi c’est la plume de l’auteure. Tous ces éléments que j’ai précédemment évoqué auraient beaucoup moins de valeur si le style ne suivait pas, car c’est dans ce dernier que réside la réelle force de ce récit. Quel est donc ce style si propre à Illys Wattel me direz vous ? Je dirais tout simplement que tout est prétexte à faire de la poésie car le livre est un poème à lui tout seul, les mots m’ont bercé pendant toute ma lecture, c’est à la fois abstrait et à la fois terriblement visuel, les comparaisons sont un outil que l’auteure utilise très fréquemment et s’en sert extraordinairement bien. Elles résonnent parfaitement avec le récit, elles sont toujours d’une justesse incroyable, une véritable opération chirurgicale des mots. En somme, on pourrait qualifier l’œuvre d’Illys Wattel de poème révolutionnaire, elle mélange admirablement l’art et le militantisme teinté d’un arrière-plan psychédélique.
Nuées Ardentes est un roman d’une justesse à toute épreuve, tout fonctionne à merveille : Les péripéties sont très bien rythmées, on ne s’ennuie presque jamais et elles baignent dans un ensemble cohérent. Les personnages sont tous attachants, leurs caractérisations et leurs développements sont tous ultra consistants. Le thème et le message sont maîtrisés d’une main de maître : on saisit très vite l’univers et les enjeux. Le texte est complet, varié et limpide, il n’est ni trop complexe ni trop simpliste, il a un juste milieu ce qui rend le roman très agréable à la lecture.
Bien que l’histoire peut manquer de subtilité à certains moments, qu’il y a un peu trop de name dropping, et que les coïncidences s’accumulent un peu trop à mon goût, Illys Wattel nous livre pour son premier livre, une œuvre complète remplie de toute une palette d’émotions variées qui présage que du bon quant aux futurs œuvre de l’auteure. Je ne peux que vous conseiller de lire ce livre, si ce n’est pour au moins soutenir de nouveaux talents !
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