On ne va pas se raconter d'histoires par Chro
Par Bernard Quiriny
Avec ses microfictions d’une à deux pages, longueur qu’il a mise au point dans trois livres avant celui-ci (La Patience des buffles sous la pluie, Un silence de clairière et Je n’ai pas fini de regarder le monde, les deux premiers sortis pour ainsi dire de nulle part et couverts de prix), David Thomas a presque inventé un genre. On serait tenté de dire qu’il s’apparente à Jauffret (Microfictions, précisément), mais il n’a pas le cynisme ni la dureté de ce dernier. On voudrait le comparer aussi à un Sternberg (spécialiste belge du format court, de l’historiette), mais contrairement à cet illustre aîné, il ne verse jamais dans le fantastique. Son ton mélancolique, à la fois tendre et accablé, n’appartient qu’à lui, même s’il rappelle certains auteurs américains dont on le devine lecteur (Carver and co., Brautigan et, pour leur pendant français, Jean-Paul Dubois, qui l’a encouragé à ses débuts, et qu’il remercie à la fin).
Son univers ? Quotidien, immédiat : des couples, des hommes seuls, des femmes lasses, la plupart du temps urbains, modernes, fatigués, indifférents. Son génie consiste à les croquer en deux phrases (un record), avec une simplicité déconcertante. A quoi s’ajoute, souvent, une chute impeccable. Certains textes sont doucement humoristiques, mais les meilleurs sont ceux où David Thomas fait tomber le couperet, sèchement. Il faudrait recopier un texte entier pour se faire bien comprendre, mais choisir serait délicat. La légèreté de ces tableautins pourrait facilement donner à croire qu’ils ne sont pas du grand art. Rien n’est moins sûr. Et quand bien même, quelle importance ?