J’avais hâte de découvrir cet auteur dont on m’avait souvent parlé, et que j’ai aperçu – de loin – lors des Quais du Polar. Papillon de nuit est roman fort, au-delà de l’intrigue, il nous peint cette Amérique des années 50 où la ségrégation est encore présente, où l’amitié entre un homme de couleur et un blanc est vue comme une anomalie. Puis quelques années plus tard en pleine guerre du vietnam l’auteur nous fais revivre l’angoisse de la génération appelée à se battre dans les rizières ou plutôt devrais-je dire y mourir. Revenons à l’intrigue. Daniel est dans les couloirs de la mort, où il attend son exécution pour le meurtre de Nathan…son ami noir. Un prête vient entendre sa « confession » et Daniel raconte son histoire, son amitié avec Nathan. De son enfance à sa vie d’adulte, on suit les rebondissements et le troublant parcours de sa vie.
Une Amérique qui se cherche
Dans ce roman R.J Ellory nous livre au travers de l’amitié de Daniel et Nathan, un regard sur cette période des années 60 à 70 où l’Amérique est passée dans ses états. C’est avec une certaine insouciance que les 2 protagonistes traversent ces changements, de la fin de leur adolescence aux premiers amours, de la peur de l’appel sous les drapeaux à la mort de Kennedy en affrontant le racisme profond. Ce qui semble plus fort que tout c’est leur amitié, née autour d’un sandwich au jambon cuit, pas n’importe lequel, le meilleur, celui fait par la maman de Daniel.
L’auteur nous raconte, avec beaucoup de dureté mais parfois avec poésie, l’histoire de ce prisonnier attendant la mort. On affronte les doutes de Daniel sur ce qu’il va lui arriver, l’isolement dû à sa captivité, la violence de certains gardiens, l’espoir éteint de voir la vérité se révéler. Lors de ses confidences il raconte au prêtre ses souvenirs, le chemin qu’il a parcouru et qui l’a mené ici.
Tu n’es pas celui que je voulais que tu sois, me dirait cet enfant, et je saurais qu’il disait la vérité.
Le complot
Comment Daniel peut-il se retrouver condamné pour le meurtre de Nathan, son meilleur ami, celui qui l’a défendu et que lui-même a défendu. L’auteur décrit une intrigue ficelée sur plusieurs années, il arrive à nous faire douter de la sincérité de Daniel, est-il possible qu’il ait pu – par jalousie – commettre ce fratricide à l’image du crime de Caïn? On se rend compte que la corruption associée à la haine raciale est capable du pire,que des hommes de pouvoir sont manipulables et manipules à leur guise la vie des gens. On devine que rien n’est clair dans cette histoire. L’auteur nous fait languir – avec délectation – sur ce qu’il s’est passé. Car si on parle d’un crime on ne le découvre que vers la fin du roman, R.J Ellory nous laisse mijoter notre propre scénario pour au final nous prendre par surprise et nous laissé dire : « Waouh c’est à ce point là ».
Le style
J’ai bien accroché à son style, parfois brutal, parfois poétique. R.J Ellory donne une profonde sensibilité à Daniel, ce qui rend le personnage très attachant. Les pages s’enchaînent avec plaisir, pas de temps mort. Petit à petit le suspens nous gagne, l’auteur nous appâte avec malice et justesse. Un style très captivant et plein de sensibilité.
J’ai écrit un mot à ma mère. Je l’ai laissé sur la table de la cuisine, et en le regardant depuis la porte, je l’ai vu pour ce qu’il était : un mensonge.
Voici un roman que j’ai beaucoup apprécié, qui m’a surpris dans le bon sens et qui m’invite à lire d’autres livres de cet auteur. Une belle découverte, remarquez il était temps ????