Que serais-je sans toi, épisode 3/12
[Avertissement : cette critique est le troisième épisode d’une étude sur Que serai-je sans toi ? de Guillaume Musso. Pour plus de clarté sur le projet :
http://www.senscritique.com/liste/Musso_parce_qu_il_le_vaut_bien/500931
Que serais-je sans toi, épisode 3/12
I. Un projet d’envergure. B. Le cahier des charges.
7. De l’humanitaire :
Parce qu’il faut veiller à équilibrer la débauche de luxe et entretenir le capital sympathie des personnages. Ainsi, le voleur fait don de sa fortune à des associations, et rend visite en secret à sa fille pendant 30 ans, elle qui le croit mort. Le flic est un bad boy (qu’une jolie infirmière new yorkaise appelle handsome), certes, mais au grand cœur : il a ainsi sauvé d’une poubelle une fille sidéenne (par le cordon de sa mère)/overdosée (par le cordon de sa mère)/prématurée (parce que sa mère a coupé le cordon en mourant d’une overdose de cekra, donc) qu’il va voir chaque semaine depuis huit ans. Mais ce n’est pas tout : il paie une prostituée slave pour ne pas coucher avec elle, lui offrant ainsi de rares moments de répit dans une existence sordide. Prostituée qui d’ailleurs, droguée elle aussi, ne touche JAMAIS à l’argent qu’il lui donne, c’est sacré, elle préfère le garder sous son lit, lit sur lequel elle continue dans la joie le plus vieux métier du monde pour pouvoir toucher de quoi se payer ses doses de came. Une bien belle cohérence due au sens de l’honneur de nos tragédiens modernes.
8. De l’américain :
Fondamental. On vous renvoie au programme de TF1. Les anglicismes sont constants : le personnage est bodyguard, ses formules de politesse sont your’e welcome, et sa vie n’est pas difficile, elle est hardcore.
Le cool, qu’on se le dise, c’est les States : « Le lieu était sous la responsabilité du père Shake Powell, l’aumônier de l’aéroport : un grand black aussi massif qu’un catcheur qui portrait des Nike Air, un pantalon baggy, une veste de survêtement à capuche et un tee-shirt Yes we can à l’effigie d’Obama. » (p. 251)
L’auteur n’oubliera pas, d’ailleurs, de mentionner Les Experts ou Dr House. Mais nous reviendrons plus tard sur les références culturelles de l’ouvrage.
9. De l’international :
L’usage de l’hyperbole étant de mise lorsqu’il s’agit de susciter l’admiration ou le désir, l’auteur l’applique en accord avec son temps, celui de la mondialisation. Il s’agira dès lors de globaliser les actions des personnages : ainsi, Archibald suscite un émoi planétaire : depuis 20 ans, Interpol, le FBI, la mafia russe, et les cartels sud-américains le traquent. La collaboratrice coréenne a fait tomber les triades de son pays, et Svetlana, la prostituée slave, a une famille menacée au pays par les gangsters locaux.
10. Du surnaturel :
Parce que le réel a ses limites. Comme dans toute saga de l’été, un zeste de mystère permettra un frisson plus épicé.
- « La Clé du paradis, quésaco (1) ? demanda Loiseaux.
- C’est un diamant, répondit Martin. Un diamant maudit et mythique, entouré de mystère et de légende.(2) (p. 98)
- la Clé du paradis symbolise la pureté. La légende veut qu’il porte malheur s’il est acquis par quelqu’un d’infidèle ou de cupide. Dans le cas contraire, on prétend qu’il est source de vie et de bonne fortune. » (p. 101)
(1) Loiseaux est le supérieur hiérarchique de Beaumont. Supérieur veut dire qui a du pouvoir, mais qui ne comprend rien, et qui ajoute à son incompétence une certaine touche beauf. Toute cette complexité psychologique hors-norme se trouve ici résumée dans le terme quésaco : il dénote l’ignorance, bien entendu, mais surtout une pathétique tentative de la brandir avec un humour aussi peu efficace qu’inélégant.
(2) Certains mauvais esprits pourraient faire remarquer que maudit, mythique, mystère et légende sont des mots à peu de choses près identiques et que la phrase est redondante. On leur rétorquera que M. Musso cherchait probablement à travailler une allitération en [m], clin d’œil astucieux à ses propres noms et prénoms. Non ?
Ce diamant permettra bien des résolutions de l’intrigue. Il portera malheur aux cupides et révèlera la bonté d’âme de notre héros qui, bon prince, le jettera dans le Pacifique à la fin, allusion probable au dénouement du Titanic de James Cameron.
Le surnaturel est en outre diablement pratique lorsqu’on veut grossir le trait et nourrir un élément fondamental de la poétique de M. Musso, j’ai nommé :
C. Les rebondissements, qui sera le sujet de notre quatrième épisode :
http://www.senscritique.com/livre/La_Fille_de_papier/critique/35183242
L'intégralité de la saga : http://www.senscritique.com/liste/Musso_parce_qu_il_le_vaut_bien/500931