Comme on dit: quand vous voulez faire une belle merde, il faut d'abord bien manger."
Une mine d'or, bien au contraire de mon texte...et mes piteux choix d'extraits, sortis de leur contexte.
Une mine d'or mais pas du tout uniquement dans les réponses: les questions de Michel Ciment sont aussi bourrée d'infos, opinions et visions éclairantes où on se dit, "bien vu" et bonne idée de question.
J'ai commencé par les parties inédites avec Milos Forman:
Dont j'aime au sujet de son Taking Off: "Ces gosses ont beaucoup d'idéaux mais aucune expérience. Leurs parents ont beaucoup d'expérience et pas d'idéaux"
"(Cette scène ) mettait en lumière la tragédie de l'art aujourd'hui. Si vous êtes un virtuose du violoncelle il vous faut jouer nu pour attirer l'attention. Et je n'aurais pas mis dans le film cette scène apparemment insolite si elle n'avait pas eu un lien avec la réalité...(quand je lui avais demandée) si elle était actrice, elle m'a répondu que sa profession, c'était violoncelliste. Elle avait étudié pendant des années mais se demandait comment faire pour que les gens l'écoutent enfin..."peut-être devrais je jouer nue".
"Je pensais à Lynn Carlin depuis que j'avais vu Faces de John Cassavettes."
"J'aime bien que les gens m'apportent des choses comme s'ils étaient le metteur en scène, comme s'ils étaient responsables du film (...) c'est pourquoi j'étais content d'avoir avec moi, mon opérateur Ondricek, on se battait sans cesse. Il veut tout faire par lui-même et j'aime lutter contre lui"
"Je pense que Buck Henry est un des meilleurs acteurs que je connaisse" (Milos Forman) "Je (le) connaissais mais ne savais pas qu'il était aussi acteur. (...) Il était sans inhibition, décontracté, précis, vraiment parfait, avec un sens de l'humour subtil."
Question de Michel Ciment: "Encore quatre ans d'attente entre Taking off et Vol au-dessus d'un nid de coucou. Pourquoi?"
Trois projets n'ont pas abouti. Le premier, que j'avais écrit moi-même (...) histoire d'un garçon dans une petite ville Américaine près de New-York. On y montrait l'hypocrisie de cette ville de banlieue.
Le deuxième projet que j'aimais beaucoup est un roman, Vital Parts de Thomas Berger,l'auteur de Little Big Man (...) collaboration formidable mais nous n'avons jamais fini le scénario.
Enfin, j'ai voulu tourner Harry, the King of Comedy, scénario original de Paul Zimmerman que j'ai retravaillé avec lui et Buck Henry, mais on n'a jamais réussi après à monter l'affaire. C'était l'histoire d'un chauffeur de taxi, qui pour des raisons personnelles, veut devenir vedette de télévision parce que , en voyant les comiques le soir sur le petit écran, il pense qu'il peut facilement en faire autant"
(ni lui, ni Ciment, ne mentionne alors la version de Martin Scorsese en 1982: La_valse_des_pantins)
Question (bien vue et psychiatrique) de Ciment au sujet de Vol au dessus d'un nid de coucous: "Le film est bâti sur la répétition: il y a deux matches de basket-ball, deux parties de cartes, deux rencontres avec le directeur, etc."
"Le caractère répétitif des événements se trouve en partie dans le livre (sauf le basket ball) Cela rend parfaitement la vie d'un hôpital , cette horreur du rituel. Cela permet aussi de faire prendre conscience des changements qui s'opèrent."
Autre question pertinente de Ciment à Forman, suite à observations et synthèses: "Dans tous vos films, il y a conflit entre deux groupes: parents-enfants dans Taking off, pompiers et villageois dans Au feu les pompiers ! ici (Vol au-dessus...), c'est entre l'administration et les fous...()...C'est votre film qui se rapproche le plus de Au feu les pompiers ! par son ambition d'être une parabole." (ce qui me rappelle ce que disait Michael Haneke s'amusant qu'aucun journaliste dans son pays en interview, n'avait voulu voir la parabole dans son Ruban Blanc)
ndlr: Ciment et d'autres comme moi, s'extasient de la (belle et utile) scène de bateau, pour apprendre ici qu'elle n'est pas l'idée de Milos Forman mais du producteur Saul Zaentz, qui a insisté, car il est un "grand pêcheur". Heureuse passion et ses conséquences indirectes.
Ciment: "La sortie en bateau ponctue le film de façon rythmique. Elle représente une pause, un moment d'évasion dans un récit entièrement confiné dans l'hôpital à l'exception des premiers et des derniers plans de nature." Forman: "Je n'ai jamais été sûr qu'il fallait la tourner. J'avais pensé à maintenir tout le film derrière les barbelés (mais Saul) a beaucoup insisté et finalement je suis très heureux"
(ndlr: comme nous)
(Toujours au sujet de Vol au-dessus d'un nid de coucous, Forman): "Pour chaque personnage je lui ai pris un personnage qui lui correspondait et j'ai demandé à l'interprète de l'observer, de lui voler autant que possible son comportement...(j'ai vécu) quatre semaines dans l'hôpital (jours et nuits)"
Ciment: "Il y a dans la mise en scène une volonté de fragmentation: beaucoup de gros plans et des plans moyens qui isolent les individus et en même temps on ne perd jamais de vue l'espace qui les entoure. A la fin on sent d'autant plus le plan d'ensemble qu'on en a été frustré pendant tout le film"
Forman: (...)Ce cloisonnement des cadrages reflète la réalité psychologique de l'hôpital. Tous ces gens sont terriblement seuls bien qu'étant tout le temps ensemble."
il y a seulement deux scènes improvisées (...dont) La scène où Nicholson tape sur le bureau par exemple est une preuve qu'il est un acteur génial ! J'ai toujours détesté l'improvisation dans un film (...) Or avec Nicholson, on ne peut distinguer de différence. Pour le médecin c'était plus facile puisqu'habitué à faire sans cesse des entretiens. Mais pour un acteur discipliné comme Jack, qui sait son rôle chaque matin sur le bout des doigts, c'est un tour de force de s'asseoir sans un mot dans la tête, d'être complètement vulnérable
Ciment: "Louise Fletcher, avec son apparence suave, est l'antithèse de la matrone monstrueuse du roman" (ndlr: elle a parfois des minis expressions d'Emmanuelle Devos?)
Forman: il fallait éviter d'être misogyne et caricatural. Louise est en réalité très calme, douce, timide. Le personnage en devenait plus réel (...des) vedettes américaines n'ont pas voulu s'identifier avec ce personnage antipathique et ont refusé le rôle: Ellen Burstyn, Anne Bancroft, Collen(ndlr:elle aurait été géniale) Dewhurst, Angela Lansbury, Geraldine Page.
Ciment: " Sa voix fait beaucoup penser à la voix de l'ordinateur HAL dans 2001, cette voix douce qui a réponse à tout; est ce pour vous la voix de la Bureaucratie?"
Forman: (j'ai rencontré la Miss Ratched du vrai hôpital, c'est elle qui parle dans le film à Murphy et Murdoch quand on les conduit à la séance d'électrochoc) "Elle est très gentille mais si elle a le pouvoir, elle va vous lobotomiser"
(ndlr: on les recroise un peu dans Les_animaux_fantastiques de Yates et JK Rowling, lors des exécutions?)