Grand amateur d'Argento dans l'absolu, j'ai tout de suite été attiré par cette autobiographie du maître, publiée par chez nous par les excellentes éditions Rouge Profond (qui étaient quasiment obligées de publier l'ouvrage étant donné leur nom, une référence explicite à l'un des sommets de la carrière du réalisateur!).
Malheureusement, l'autobiographie reste un exercice difficile, et j'ai été largement déçu par un ouvrage qui ne tarde pas à nous rendre la figure d'Argento, sinon antipathique, tout du moins assez irritante. Si celui-ci est extrêmement disert dès qu'il s'agit de nous parler de sa vie sexuelle et de ses multiples aventures, de sa famille et des multiples ragots qui ont circulé sur lui au temps de sa gloire, il ne l'est malheureusement pas toujours autant sur ses propres films alors même qu'il s'agit, sans trop m'avancer, de la raison qui amènera 95% de ses lecteurs à se pencher sur ce livre...
En particulier, Dario Argento, à ma grande déception, ne développe aucun discours esthétique intéressant sur la "peur" au cinéma (pourtant le titre de son livre, mais l'a-t-il seulement choisi?), le sujet étant le plus souvent tout simplement balayé sous le tapis comme quelque chose "relevant de son inconscient", le Monsieur étant de toute évidence très porté sur la psychanalyse, paravent bien pratique pour son peu de choses à dire sur la question (on dira dès lors que ses films parlent pour eux-mêmes).
De mon point de vue, le contenu est donc finalement extrêmement léger pour ce qui concerne précisément les films du réalisateur, pour peu que l'on soit à peu près familier de son œuvre. Il évoque néanmoins de multiples anecdotes, concernant ses acteurs, ses collaborations, sur ses amitiés et ses inimitiés dans le milieu, etc. qui pourraient peut-être intéresser quelqu'un de plus porté que moi sur ce genre de choses.
Concernant le ton, on est malheureusement - en particulier pour l'évaluation de ses films - plus dans l'auto-hagiographie que dans une rétrospective véritablement critique. Le livre passe d'ailleurs, sans surprise au vu de ce qui a été dit, rapidement sur la dernière partie de carrière d'Argento, souvent bien moins inspirée. Biais classique: les succès sont (très) bien soulignés, tandis que les échecs et revers sont plus ou moins passés sous silence, ou, tout du moins dans ces cas, la responsabilité propre à Dario Argento minimisée.
Le livre se caractérise par une écriture simple et directe, qu'on pourrait même qualifier de plate. Aucune fioriture, le livre s'ouvrant simplement sur une "accroche" nous présentant un moment difficile dans la vie d'Argento (où celui-ci envisageait le suicide)...dont le texte est, plus tard, quasiment repris mot pour mot dans le livre, celui-ci se tenant, dans l'ensemble, à une stricte logique chronologique (devant la légèreté du procédé, on peut se demander si ce chapitre introductif relève d'ailleurs bien de la volonté même d'Argento ou bien si celui-ci a été "suggéré" à l'auteur par ses éditeurs...). Bref, clairement pas le style de livre que l'on relira pour ses envolées stylistiques.
Au final, les seuls développements qui ont véritablement retenu mon attention sont ceux relatifs à l'élaboration et aux sources (pour beaucoup ésotériques) de Suspiria, sans doute le plus grand chef-d'oeuvre de Dario Argento, qu'il a co-écrit notamment avec une de ses ex-femmes, Daria Nicolodi (la mère d'Asia Argento). Ces éléments sont repris quasiment en intégralité sur la page Wikipedia en français du film, donc vous savez où aller si le sujet vous intéresse.
Pour conclure - conclusion quasi-systématique avec les autobiographies (n'est pas Jean-jacques Rousseau qui veut) -, il vaut mieux se reporter, lorsqu'on recherche une analyse des œuvres d'un artiste, vers des sources extérieures, plus objectives et souvent plus détaillées et serrées. Je ne recommanderais donc ce livre qu'aux fans hardcore d'Argento, notamment ceux portés sur les anecdotes et les petits détails.