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L’école de Toru est étrange, peuplée semble-t-il de fantômes, et peut-être même du fantôme de la fille qui, trois ans auparavant, a été enlevée et retrouvée morte dans la piscine de l’école. Oui, cette école est peuplée de fantômes et de recoins sombres, c’est en tout cas ce que s’amusent à faire croire certains élèves pour faire peur aux camarades. Les rumeurs s’amplifient encore lorsqu’un deuxième élève disparaît. Un élève affirme alors qu’il communique avec le fantôme d’une fille qui cherche à leur délivrer un message d’espoir pour ne pas laisser gagner la grisaille environnante.


La « grisaille », c’est d’ailleurs le terme qu’emploi Toru pour désigner cette forme d’omniprésence mêlant des sentiments de désespoir, de peur, d’apathie, qui semblent peser sur l’ensemble des élèves. Toru ne parvient pas à l’exprimer de manière plus précise mais cette « grisaille » est de plus en plus oppressante. Il ne parvient pas non plus à déterminer qui est Hikaru, cet être toujours à ses côtés, plus qu’un frère, presque un double, et qui malgré ses pitreries et son esprit de contrariété flagrant, sa désobéissance et son manque de tact éhonté, ne peut être vu que par Toru. Mais il l’a accepté et vit avec quotidiennement sans se poser de question.


Présenté ainsi, ce livre peut revêtir les atours d’un roman policier aux allures de fantastique, mais Pianissimo, pianissimo est bien un roman réaliste, quoiqu’il joue sans cesse avec les limites de l’inquiétante étrangeté. Et c’est toute une ambiance poético-fantasque qui nous happe dès les premières pages.


Le récit prend place par le regard de cet enfant singulier et clairvoyant qu’est Toru qui tente de comprendre (par l’intermédiaire d’un imagier interne) le monde qui l’entoure. Ce monde de plus en plus incompréhensible, presque inhumain, en tout cas impalpable, pour un enfant de son âge.


Seul un écrivain japonais pouvait parvenir à évoquer le monde de cette manière : à l’aide d’une poétique de la personnification. Le petit Toru ne nomme jamais ses camarades par leurs prénoms, ils sont réduits à des allocutions (« Quant-à-soi », « la fille au pain », etc.) qui semblent prendre à ses yeux les traits des maux de l’humanité contemporaine à travers une incarnation enfantine.


Avec son roman, Tsuji offre le regard de l’enfant japonais sur le monde contemporain, un regard peut-être plus clairvoyant que celui de l’adulte qui se noie dans des considérations terre-à-terre sans parvenir jamais à prendre suffisamment de distance pour le comprendre.

Justine-Coffin
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le 1 févr. 2017

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