Bienvenue dans ce livre dans lequel un sévère rhume des foins accable les habitants de Manchester. Dans lequel un homme-chien conduit son taxi dans des limbes peuplés de tristes zombies. Dans lequel une ombre-flic qui ne peut pas rêver enquête sur un meurtre. Dans lequel un animateur radio pirate diffuse de la musique psyché et des informations secrètes à qui veut l’entendre. Dans lequel une chauffeuse de X-Cab pleure son compagnon décédé, et doit changer de vie. Elle et sa carte de la ville tatouée sur le corps.
Résumer un livre de Jeff Noon, c’est vraiment difficile. J’ai essayé, mais je courais manifestement à l’échec. Il s’agit ici de Pollen, un roman dont l’action se déroule dans le même univers, voire la même ville, que Vurt, le tout premier roman de l’auteur britannique. Rappelons-nous : le Vurt, c’est le rêve. Ce monde est accessible pour tout-un-chacun, hormis quelques malchanceux, via des plumes (cherchez pas). On des plumes de différentes sortes, qui donnent accès à diverses variétés de rêves. Certaines sont communes et douces, d’autres rares et dangereuses. Quiconque reste coincé dans le Vurt est échangé contre un élément du monde réel. Rien ne se perd, rien ne se crée. C’est comme ça. Enfin, signalons que Manchester constitue une frontière poreuse entre le réel et le rêve, et que les trous vont en s’élargissant.
Celui qui entame Pollen après avoir lu Vurt risque de ne pas être trop dépaysé. Dans le cas contraire, il s’agira de s’accrocher un minimum pour adhérer au monde créé par Jeff Noon. Cela dit, Pollen dispose peut-être d’un avantage par rapport à son prédécesseur. En effet, si ce dernier plonge brutalement au milieu d’un univers bizarre doté de règles propres, à la fois humain, animal, robotique, onirique et j’en passe, il est aussi construit à la serpe. Suffisamment pour énerver le lecteur que je suis, et me perdre à diverses reprises. Il en va autrement de Pollen. Je n’irais pas jusqu’à dire que l’auteur a décidé de nous prendre par la main, mais la progression de cette histoire-ci est plus évidente à suivre. Peut-être est-ce en raison du fait qu’il s’agit au final d’un roman policier. Un roman policier complètement barré, placé dans un univers hautement fantasmagorique, mais dont les bases restent simples : des policiers cherchent à élucider un meurtre, un suspect prend la fuite, et des zombies s’accrochent aux taxis. Biffez la mention inutile.
En fait, c’est vachement bien. Pas facile, mais incroyablement original et osé. L’ambiance est poisseuse au possible, les idée foisonnent dans tous les sens. Tout n’y est pas clairement explicité, mais cela contribue au charme de ce Manchester absurde, gluant, vaguement apocalyptique mais pourtant très vivant. On s’attache d’ailleurs assez rapidement aux personnages. Entendons-nous bien : Pollen est peut-être plus clair que Vurt, mais il n’est pas moins fou pour autant. Sauf que cette fois c’est beaucoup plus compréhensible. De là à dire qu’il est préférable de sauter Vurt et de passer directement à Pollen, il y a peut-être un pas à ne pas franchir. Malgré ses imperfections, le premier roman de Jeff Noon est de ceux qui restent longtemps en tête, et Pollen ne s’apprécie peut-être vraiment qu’après l’avoir lu.
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