Années 60, collège privé huppé pour garçons de la Nouvelle Angleterre, où on y voue un véritable culte élitiste à la littérature autour de visites régulières d'écrivains de renom. Un concours littéraire va attiser les pires passions des étudiants, les trahisons, les hypocrisies, les tricheries et les renoncements.
Disséquée par Tobias Wolff, l'âme juvénile est tordue d'avance, tandis que les écrivains, débutants comme confirmés, sont plus souvent mégalomanes que talentueux, plus carriéristes qu'ambitieux, plus imbus de reconnaissance que de dignité.
C'est brillant, souvent drôle et presque toujours caustique. L'auteur égratigne au passage la romancière et philosophe Ayn Rand (cela se comprend aisément : Wolff a fait le Vietnam, et durement, il en est revenu encore plus lucide, désabusé mais jamais, au grand jamais déshumanisé. Ayn Rand a fait tous les salons chics de la business class de la City, elle en est revenue shootée, très élégante d'un point de vue vestimentaire et ultralibérale).
Une oeuvre ironique sur la création littéraire autant que sur l'éthique même si la littérature reste pour Wolff une voie de discernement et d'émancipation : il fait le distinguo entre cet art et l'écrivain, son ironie s'adressant à ce dernier, surtout quand l'écrivain s'identifie à une élite sociale et intellectuelle.
Si l'oeuvre de Wolff s'inscrit dans le mouvement du Kmart realism, comme Raymond Carver, (leurs personnages à tous deux connaissent rarement des instants épiphaniques), alors Wolff est une carte au trésor et Carver est le trésor, demeurant l'indétrônable saint-patron de ce mouvement.
TANDIS QUE MOI QUATRE NUITS