Depuis le temps que l'on me parlait de ce livre, il était temps que je le lise. Après les aventures de Sharko par Franck Thilliez, je suis content de retrouver un personnage tourmenté comme Rufus Baudenuit. Avant de commencer à parler de lintérieur du livre, je tiens à féliciter les éditions Télémaque pour leur très belle édition. Prédation, avant d'être un très bon thriller, est surtout un très bel objet. Quand on voit les horreurs que sont capables de mettre en couverture certains éditeurs, il est rassurant que des gens pensent encore à faire leur travail pour produire un beau livre, avec une belle main. Donc, je parlais de Baudenuit. Tourmenté comme Sharko, et sympathique comme peut l'être le débonnaire Harry Bosch de Michael Connelly.
Le livre se décompose en 8 parties, avec 85 chapitres, prologue et épilogue inclus.
I Le singe, le chien et le serpent
II Le silence et le vent
III Un rayon de soleil sous une brique
IV Un filet, trois petits poissons et des mailles trop larges
V Le hasard, les incertitudes et les coups de bluff
VI Chacun cherche son reflet dans le miroir
VII La poussière, la vengeance et les orphelines
VIII La cerise et le dragon
85 chapitres donc qui permettent de dévorer le livre à un rythme de dingue, qui font monter la pression jusqu'au final qui va en sécher plus d'un. Une monté en puissance, sans fausses notes, sans invraisemblances (peut être juste un Kurtz un peu trop « présent »). Rufus entrain de déguster un bon café. Rufus entrain de penser à sa femme, Anna, qui vient de le quitter. Deux éléments omniprésents dans l'univers de ce flic de 51 ans, qui sent qu'il a entre les mains les éléments d'une affaire hors norme. Hors norme comme la personne qui se cache derrière ses enlèvements, Kurtz.
Nous allons donc suivre, pendant 500 pages (exactement), Rufus enquêtant sur un meurtre et un suicide dont il va parvenir à trouver les points commun et Andréas, un père de famille qui a été enlevé avec sa fille et qui se retrouve séquestré dans une pièce, sous les ordres de ce mystérieux Kurtz. Et ce qui rend le déroulement de l'histoire particulièrement intéressant, c'est le parallèle qui s'instaure entre Rufus et Andréas, chacun des deux agissants, sans s'en rendre compte, de manière à ce qu'ils aillent finalement l'un vers l'autre. Plus l'enquête progresse, plus Rufus découvre qu'il a affaire à un adversaire redoutable. Plus la torture mentale exercée sur Andréas par Kurtz est forte, plus Andréas va parvenir à imaginer un plan pour s'en sortir.
Et en tant que lecteur, on sent cette affaire prendre de l'ampleur, on sent cette colère gonfler et gronder dans le cœur de Rufus et d'Andréas. On sent ce lien qui commence à se créer entre les deux personnages. On se sent oppressé aussi comme eux, on se sent mené par le bout du nez, eux par Kurtz et nous par Jérôme et Nathalie. Et puis les auteurs prouvent que l'on peut écrire des histoires très intenses pour leurs lecteurs sans avoir à sombrer dans le sanglant, c'est assez rafraichissant aussi. Je n'ose pas trop en dire sur le déroulement de l'histoire et surtout sur ce superbe final bien bien sombre. J'espère donc que l'on aura l'occasion de voir ce que le fruit de ce lien qui unit ces deux personnages va donner dans Stigmate, la suite, à paraître dans quelques mois.
Je trouve ce genre de final assez courageux de la part des auteurs. Comme Thilliez et son Sharko, ils n'ont pas hésité à choisir d'en faire baver Rufus. C'est une sorte d'équilibre qui se crée, plus l'enquêteur est bon, plus il a du talent, plus il progresse au cœur des ténèbres ( ; ) plus il se consume, plus il devient fragile. On assiste à la progression de cette courbe, qui atteint son point culminant, son paroxysme et qui chute brutalement. C'est presque mathématique un bon thriller non ? Un savant dosage de prestidigitation et de mathématique. Au plaisir de retrouver Rufus, Andréas et Kurtz.
2006 aura donc était l'année d'Hématome de Maud Mayeras et de Prédation de Jérôme Camut & Nathalie Hug.Il y a fort à parier que Stigmate fera lui aussi du bruit en cette année 2007.
Frédéric Fontès