Au nombre des questions qu’on ne se pose pas assez souvent figure la suivante : pourquoi crash aérien devrait-il forcément rimer avec drame ? L’auteur finlandais Arto Paasilinna part du principe que ce n’est pas une règle immuable et met en scène, dans Prisonniers du Paradis, les infortunés (?) passagers d’un vol achevé prématurément sur une plage déserte, entre une jungle épaisse et une mer infestée de requins. Il faut dire que Paasilinna a soigneusement choisi sa population de départ : surtout des bûcherons finlandais et des sages-femmes suédoises, personnel des Nations Unies, auxquels s’ajoutent une poignée d’autres occidentaux. Au total, vingt-huit hommes et vingt-six femmes.
Habitués au confort occidental, ces Robinsons du grand nord ont forcément un peu de mal à s’habituer à leur nouvel habitat mélanésien. Pourtant, cela ne se passe pas si mal et la vie s’organise progressivement, émaillée d’accidents divers que le narrateur (un journaliste qui se trouvait par hasard sur le vol) nous raconte comme s’il s’agissait d’un simple pique nique. En fait, le lecteur ne perd rien à savoir à l’avance que Prisonniers du paradis n’a rien d’un roman-catastrophe. Il faut plutôt y voir l’aventure d’une mini société obligée de faire avec ce qu’elle a et de gérer les enjeux qui surviennent inévitablement : comment réagir aux différends linguistiques (un enjeu qui intéressera les belges) ? Comment attirer l’attention du monde extérieur (celui-ci en intéressera bien d’autres) ? Comment répartir la nourriture ? Comment punir les fautifs en cas d’incident ?
Au final, la vie s’organise tellement bien que certains en viennent à se demander s’ils souhaitent réellement retourner en Europe, et c’est encore là que se trouve le principal enjeu du livre. Prisonners du Paradis est donc un roman plutôt léger, qui se lit rapidement, et qui nous épargne les habituels désastres liés aux accidents d’avion. Ça détend.