Anna Benjamin est journaliste. Elle a notamment travaillé dans la rubrique éducation du journal L'express. Un peu frustrée de ne pouvoir faire des reportages que de quelques heures dans les établissements scolaires, elle décide de devenir professeure contractuelle. Titulaire d'une licence en histoire, elle passe un entretien de trente minutes et trois jours plus tard, embauchée, elle a son premier remplacement dans un collège. Quelques semaines dans cet établissement plutôt tranquille avant d'enchaîner avec un remplacement de cinq mois dans l'académie de Versailles, dans un collège classé REP+, Réseau d’Éducation Prioritaire +.
Prêté par ma fille, elle-même professeure remplaçante d'histoire-géographie et français, contractuelle, dans un lycée professionnel situé dans un quartier difficile.
J'ai retrouvé dans le livre pas mal des inquiétudes, des doutes et des témoignages de ma fille. Les difficultés à faire cours dans des classes où les élèves ont des niveaux faibles, très disparates, où les conditions familiales empêchent de suivre en cours ou de travailler chez soi et au minimum perturbent suffisamment les adolescents dans les apprentissages. Les difficultés à aborder certains thèmes ou plus exactement la subtilité pour les aborder sans choquer les croyances et éducations de chacun : la religion, la liberté d'expression, la place de la femme... Des débats, des exposés, des visites de lieux, d'expositions... Il faut faire preuve d'imagination, de patience et d'autorité. C'est un emploi fatigant, qui, contrairement aux idées reçues -que je pouvais moi-même avoir-, nécessite un investissement et beaucoup de temps de travail. Il faut en plus d'intéresser et d’apprendre aux élèves, tenter de mobiliser leurs parents pour que la scolarité soit la plus profitable et bénéfique possible, ce qui n'est pas toujours évident. La barrière de la langue, parfois, celle des horaires parce que ces parents peuvent cumuler des emplois...
La satisfaction vient toujours du fait que les élèves avancent, écrivent à Anna Benjamin, à la fin de son remplacement qu'elle a été la meilleure prof qu'ils ont eue, et ce malgré, les sanctions, les découragements, les cours ratés...
Alors, certes, les profs ont les vacances scolaires, mais là encore, une partie est souvent dédiée à des préparations de cours, des sorties. Elles sont aussi faites pour se reposer, se ressourcer avant de repartir "dans la fosse aux lions" comme dit un collègue d'Anna. Et comme le dit assez ironiquement l'autrice "Avis à ceux qui sont jaloux des vacances des profs ! Rejoignez-nous !" (p.164)
Un bouquin très facile à lire qui montre les changements de la société, les pauvres moyens mis au service de l'éducation (il y a quelques décennies, un prof gagnait 2,3 fois le SMIC, aujourd'hui, c'est 1,2 fois seulement). La France est un pays qui ne mise pas sur son avenir, sur sa jeunesse, qui se borne à tenter de limiter la casse. Plutôt que de lire des rapports faits par des technocrates loin des réalités, peut-être les décideurs devraient-ils s'inspirer de ce livre et d'autres écrits sur le même sujets et de la vie réelle des profs pour bouger et prendre des mesures en faveur de l'éducation et de l'enseignement ?
Bonne rentrée à tous.