La fureur des dieux
La plupart des pièces d'Eschyle qui nous sont restées sont avant tout des complaintes, des lamentations, fait cohérent avec les probables origines funèbres du théâtre (couplées à la dithyrambe...
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le 23 déc. 2019
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La plupart des pièces d'Eschyle qui nous sont restées sont avant tout des complaintes, des lamentations, fait cohérent avec les probables origines funèbres du théâtre (couplées à la dithyrambe dionysiaque). Le verbe est beau mais souvent passif, voire misérabiliste. Des hommes écrasés par leur destin mais qui préfèrent l'immobilisme à l'action salvatrice. Prométhée enchaîné ne suit pas ce schéma. Nous avons là un concentré de révolte, un scandale scandé par le Titan bienfaiteur de l'humanité, le Voleur de Feu. Pour toute récompense, Zeus, le nouveau chef des dieux, le fait enchainer à un sommet montagneux et le menace de souffrance jusqu'à la Fin des Temps.
L'immobilisme forcé, le fier Titan ne l'accepte pas. Il injurie Zeus et sa clique de nouveaux parvenus avec une gouaille et une malice rafraichissantes dans le théâtre d'Eschyle, bien que l'on pouvait déjà en apercevoir les prémices dans la révolte de Clytemnestre lançant la trilogie de l'Orestie.
A cette ironie cinglante, il faut ajouter l'habituelle grandeur du tragédien, cette puissance archaïque qui élève Prométhée à un statut héroïque. Que la puissance de Zeus se déchaine ! Que les cataclysmes s'abattent ! Dans une ivresse qui confine à l'hybris, le Titan appelle sur lui les pires fléaux, rendu invincible par la certitude de son bon droit.
La peinture est magistrale, édifiante. Le symbolisme, bien plus complexe qu'il n'y parait, oscille entre souffrance du Juste, révolte contre les dieux, ambivalence du Progrès... Pour bien comprendre où Eschyle voulait en venir, il aurait fallut accéder à la suite de cette trilogie, malheureusement perdue: avec Prométhée délivré, l'on assistait à la réconciliation des deux ennemis, à la synthèse de la vengeance et de la révolte. L'idée principale était donc bien celle du progrès moral, supérieur au progrès technique, et établissant une paix fertile dans laquelle hommes et dieux pouvaient enfin trouver leur accomplissement.
Avec cette dernière pièce qui nous est parvenue, Eschyle trouve lui aussi une sorte d'apothéose, un talent d'exposition et une redéfinition des archétypes fascinante qui laissera une trace durable dans la mémoire du lecteur.
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le 23 déc. 2019
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