Apologie d'un grand homme
Élève du redoutable Jules Lagneau, excellent professeur de philosophie, objet d'exaltation de la part de ses élèves, Emile Chartier ne fut pas un panégyriste ou un hâbleur comme certains de...
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le 7 mai 2016
7 j'aime
Je ferai ici un article plus long que d'habitude car cette œuvre que j'ai lue probablement une vingtaine de fois au minimum m'a beaucoup influencé et aidé et je ne cesse de m'émerveiller devant ces vérités que j'ai toujours ressenties et qu'il me plaît de lire sous une plume pétillante.
C'est un bijou de sagesse philosophique.
Ne plus subir ses humeurs mais plutôt les apprivoiser, laisser couler comme on le ferait pour un rhume, voilà le message.
L'imagination d'un mal fait souvent plus que le mal. Nos maux sont, en somme, le fruit de la chimie du corps, de simples flux qui doivent se dérouler, rien ne sert d'y ajouter la poésie damnée des pensées ou le vice de l'interprétation.
Recueil fait de petits textes qui furent publiés dans un journal dans l'entre-guerre. Alain était un professeur émérite de philosophie puis journaliste, la première guerre mondiale à laquelle il a participé lui donna matière à affiner sa théorie.
On en sort avec une nouvelle définition du bonheur, inexorable, celle physiologique plus que spirituelle, le corps exprime tout simplement ses humeurs au gré de sa mécanique sourde à toute explication. Et cette nouvelle définition devant laquelle nous sommes finalement impuissants nous rassure et nous permet de lâcher prise, ce qui est déjà un grand pas vers la sérénité. Ce livre est un chef d'œuvre de développement personnel basé sur une philosophie intéressante. Même après plusieurs lectures on en sort toujours avec une émotion positive et tonifiante. Il fait partie des livres qui font du bien au moral. Ce mal, déjà présent au début du 20 ème siècle, qui est celui de trop penser et qui est toujours présent aujourd'hui, est une des causes majeures du malheur des hommes car l'intelligence de l'homme qui pense a pour finalité la tristesse d'où le mot de l'imbécile heureux.
Alain avait de l'avance car il considérait déjà la tristesse comme maladie, ainsi l'on doit l'appréhender comme toute maladie physique et personne ne cherche à interpréter une douleur à l'estomac, on accepte mieux un mal comme tel plutôt que de l'assortir de grands mots comme trahison, désespoir ou injustice. La prière est une solution, prier est un abandon qui relâche les tensions d'une tête qui souffre de remâcher son scénario malheureux et le détourne vers l'espérance.
Il nous enseigne à nous défier de l'imagination et l'exemple d'un homme écrasé par un véhicule est éloquent : quand le drame arrive la victime n'a pas le temps de réaliser la scène mais l'imagination ou le rêve décrira cette scène au ralenti avec le camion qui arrive, la victime qui a le temps de voir cet obus fondre sur lui, l'écrasement qui dure une éternité, une douleur indicible qui a une longue vie, hors tout cela n'est que chimère et la réalité est bien le contraire de l'imagination.
L'imagination est une arme dont on peut user de manière profitable tout comme on peut en faire un maudit poison contre soi-même, celui qui craint beaucoup, par un subtil langage du corps et de la pensée, peut voir ses craintes se réaliser et en être le principal instigateur malgré lui, de même l'autosuggestion positive peut attirer l'événement heureux qu'on espère, un sourire par exemple attire plus facilement le bonheur qu'une mine défaite. De là le conseil d'Alain de mimer le bonheur, l'insouciance, par un bâillement ou un étirement.
La guérison se trouve dans l'action, agir dissipe les pensées qui figent. Cela rappelle que l'imbécile qui marche va plus loin que le sage assis.
La politesse est une façon de museler nos instincts de passions.
L'on recherche la peine voulue plus que le plaisir subi. C'est l'effort qui importe du moment qu'il soit libre.
C'est une œuvre pétrie de références riches culturelles, on y redécouvre Spinoza, Descartes, les stoïciens comme Marc Aurèle ou encore Epictete et bien d'autres. Les maximes proverbiales qui sont un baume pour l'esprit y sont nombreuses.
En somme, ce livre nous apprend qu'être triste est une chose inhérente à la constitution de la nature humaine et qu'être heureux est affaire de volonté, d'action et non de pensée.
Adil Salouane
Créée
il y a 2 jours
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