Dieu s'en fout...
... le président aussi, apparemment. C'est un peu un choc de voir ce film quand on ne sait pas à quoi s'attendre. J'avais décidé de le visionner un peu au hasard, me disant qu'au pire le film serait...
Par
le 13 nov. 2016
8 j'aime
Si j'ai très vite accroché à ce livre, la déception n'a pas tardé à poindre le bout de son nez.
Il faut dire que le sujet me faisait plutôt envie, surtout une fois que j'ai eu l'objet dans les mains (à première vue, la mise en forme donne vraiment envie). On m'en avait parlé sur un ton peu convaincu, disant qu'il y avait de meilleurs livres sur le sujet. Maintenant je comprends.
Tout d'abord, le livre est beau. De la couverture toute simple qui joue sur les reflets dorés de la serrure à l'alternance entre pages noires et blanches en passant par l'abondance d'illustrations, il y a quand même de quoi se faire plaisir. C'est le genre d'ouvrage que l'on a envie de feuilleter, on découvre les premières pages en ne pouvant s'empêcher de jeter un coup d’œil un peu plus loin, on a envie de s'attarder à certains endroits, de toucher les pages, de se laisser prendre au rythme du noir & blanc...
Cependant, la qualité des images (tant dans leur aspect formel que dans la correspondance avec le texte qu'elles accompagnent) sont très inégales. On peut, bien sûr, se dire que la variété cherche à soutenir une certaine diversité des imaginaires mais ce n'est pas l'impression qui se dégage. On a en gros 5 principaux styles graphiques définis : reproductions d’œuvres, dessins réalistes, esquisses à la main, cartes et schémas, puis recherches typographiques. La plupart sont des illustrations littérales (on nous parle d'un personnage, voilà les différents portraits que l'on pourrait imaginer), partant de l'idée d'illustrer tout ce qui nous passe par la tête lors de la lecture. C'est la majorité des images du livre, et ça marche plus ou moins bien (difficile de passer à côté d'un jugement purement plastique, surtout que des genres très différents se côtoient). C'est vraiment dommage parce qu'il y a quelques images qui exercent une synthèse de propos vraiment intelligente, et d'autres qui peuvent être assez poétiques. Malheureusement ce n'est pas la majorité.
Enfin, le dernier point formel qui me pose vraiment problème, c'est la gestion de la typographie. L'ensemble du texte est rédigé dans un caractère très classique et en (trop ?) grand corps. D'une part ça contraste pas mal avec la plupart des illustrations, mais ça casse aussi une certaine élégance qui se met en place dans les pages très aérées et l'espace laissé aux images. Je me suis d'ailleurs demandé s'il ne s'agissait pas d'une balafre de traduction, mais après une rapide recherche, il semblerait que l'édition originale (en anglais) soit semblable sur ce point. On pourrait aussi se dire qu'il s'agit d'une obligation imposée par l'éditeur, mais les pages de titre et les quelques illustrations qui utilisent une linéale tendent à nous en détromper... Dernière erreur au niveau de la typo, selon moi, c'est le choix d'utiliser ce même caractère pour la majorité des recherches sur le texte, auxquelles il est rarement adaptée.
Pour ce qui est du fond, la première chose à savoir est qu'il vaut mieux prendre ce livre comme un roman que comme un essai. L'auteur parle de l'expérience mentale de la lecture, de l'imaginaire, et on peut par moments se laisser porter. Même si le livre pose quelques questions sur un sujet peu traité, ce n'est en effet pas le texte qui vous apportera un éclairage.
Il y a bien quelques expériences sympathiques (comme celle du D et du J), qui nous poussent à tenter de nous imaginer les représentations au fur et à mesure de la lecture. Les images nous conditionnent évidemment dans l'imaginaire mais c'est justement l'un des propos du livre, qui explique également comment notre imagination peut être manipulée, notamment par l'auteur. L'un des rares points sur lequel le livre peut être intéressant.
En revanche, c'est aussi parfois énervant de lire l'auteur nous dire ce que nous devrions imaginer, ou nier que l'on ait de telles représentations en lisant un tel texte (alors que l'on vient parfois de s'imaginer exactement ce genre de choses avant qu'il ne l'affirme). Ça montre quand même que ce champ reste subjectif et difficile à anticiper, mais on aimerait parfois plus de réponses (sur quoi se base-t-il pour nier certaines possibilités d’imagination ? (ou plus de questions et moins d'affirmations ?)).
Mais passons les tentatives de l'auteur pour nous attarder à l'accumulation, ou plutôt à l'amas de citations qui étouffent ce livre. En effet, Peter Mendelsund cite à tort et à travers. Il nous sort une page sur deux une petite citation qui fait bien, sans l'exploiter en général, ni même la recontextualiser. On a même parfois des pages entières de citations isolées sur lesquelles il ne revient pas.
D'une part, que ce soit en exemple ou en citations, il use jusqu'à la corde ses références (histoire de les rentabiliser), jusqu'à nous donner la nausée des portraits d'Anna Karénine ou de l'Ulysse de James Joyce.
Ensuite, personne ne mérite d'être traité avec aussi peu de respect que les auteurs utilisés ici. Les citations sont excessives et vidées de leur sens. De quel droit se permet-il ainsi de nous jeter deux lignes de Wittgenstein, qui peuvent bien paraître soutenir son idée, mais que signifient deux lignes tirées au hasard et ainsi jetées sur la page ? Quand je lis ça, j'ai envie de brûler ce livre.
Le côté abusif de cette collection de références atteint son apogée lorsque l'auteur ne s'accorde même pas le mot de fin. Petit saut en début d'ouvrage : à vrai dire, il ne s'était même pas octroyé les premiers mots de livre, offrant en préambule quatre citations à la suite, en jaquette les commentaires élogieux de la presse et ouvrant son premier chapitre sur l'analyse d'un exemple (ah ! une analyse, tout de même...). Mendelsund a-t-il honte d'avoir écrit ce roman ? Cherche-t-il à asseoir une certaine crédibilité sur l'usage de références communément validées ?
Je passerai sur les dix pages d'explication des figures de style qui font irruption dans le dernier tiers du livre (pourquoi ?).
Finalement, où Peter Mendelsund veut-il en venir ? Quel est son propos ? On pourrait sûrement tirer tout un tas de lignes directrices possibles de son travail : le collage de références (livre intérieur), l'influence de l'auteur sur l'imagination (d'autant que Mendelsund est directeur artistique, ne me dites-pas qu'il n'a aucune idée de parallèle à établir entre la domination des esprits et la société actuelle; quitte à établir un parallèle avec son travail de couvertures, histoire de mettre un peu de lui dans ce livre), ou même l'aléatoire... Mais ici on a plutôt un carnet de route, façon journal d'un lecteur, où il aligne des références et parle de sa propre expérience.
Soit. Ce livre n'est, en soi, pas désagréable à lire. Il n'est pas pour autant aussi intéressant que son sujet pourrait nous le faire espérer.
N'offrez pas ce livre à n'importe qui, il pourrait réveiller chez certains des pulsions meurtrières.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Lire la lecture
Créée
le 8 oct. 2016
Critique lue 176 fois
1 j'aime
Du même critique
... le président aussi, apparemment. C'est un peu un choc de voir ce film quand on ne sait pas à quoi s'attendre. J'avais décidé de le visionner un peu au hasard, me disant qu'au pire le film serait...
Par
le 13 nov. 2016
8 j'aime
Je ne sais pas trop à quoi on peut s'attendre avant de voir ce film, mais malgré la présence d'Audrey Hepburn, et malgré l'âge du film, on a affaire à exactement la même chose que tous les autres...
Par
le 30 oct. 2016
7 j'aime
6
Un très beau film, surtout au niveau de l'image. Enfin, je ne sais pas si c'est seulement l'image, ou ce qui est filmé, ou la manière de le montrer, ou plus probablement un mélange de tout...
Par
le 11 oct. 2016
5 j'aime