Si on lit ce livre uniquement pour y voir l'histoire de deux voyageurs partis à la découverte du Nouveau Monde, des forêts profondes d'Amérique du Nord que le colonisateur Blanc n'a pas tout à fait fini de défricher et de soumettre, ce serait au risque de rater son intérêt scientifique.
Alexis de Tocqueville a été un des précurseurs de la sociologie, avec Emile Durkheim et Max Weber. Il avait décidé de prendre le bateau pour les Amériques afin d'y constater l'avancée de la civilisation européenne et surtout pour observer les différences entre les modes de vie des Américains et des Européens. Et il constate effectivement de nombreuses différences qu'il décrit avec précaution et précision.
La méthode d'observation sur le terrain de Tocqueville est efficacement appuyée par sa quasi-absence de jugement de valeurs (il appelle occasionnellement les Amérindiens des "sauvages", mais n'oublions pas que ce livre a été écrit au XIXe siècle). Il nous permet de distinguer les Hommes et les terres de ce qui n'était encore qu'un embryon de Michigan avec une justesse telle qu'on les croirait illustrés sur la page d'à côté. De Tocqueville détaille au fond tout ce qui allait faire partie de l'imaginaire collectif quand on parle des Indiens, des hommes des forêts, des grands espaces et de la chasse dans les récits populaires de la conquête de l'Ouest.
L'esprit de la recherche sociologique s'est très grandement fondé sur les écrits d'Alexis de Tocqueville, et la justesse de ses descriptions et de son esprit scientifiques font indéniablement de ce récit un must have pour tous les sociologues en herbe, étudiants comme confirmés.