S'il est d'un tempérament exalté et si, par malheur, il se trouve armé d'un grand pouvoir, lui permettant de réaliser un idéal qu'il s'est forgé, l'optimiste peut conduire son pays aux pires catastrophes. Il ne tarde pas à reconnaître, en effet, que les transformations sociales ne se réalisent point avec la facilité qu'il avait escomptée; il s'en prend de ses déboires à ses contemporains, au lieu d'expliquer la marche des choses par les nécessités historiques; il est tenté de faire disparaître les gens dont la mauvaise volonté lui semble dangereuse pour le bonheur de tous. Pendant la Terreur, les hommes qui versèrent le plus de sang furent ceux qui avaient le plus vif désir de faire jouir leurs semblables de l'âge d'or qu'ils avaient rêvé, et qui avaient le plus de sympathies pour les misères humaines: optimistes, idéalistes et sensibles, ils se montraient d'autant plus inexorables qu'ils avaient une plus grande soif du bonheur universel.
Le pessimisme est tout autre chose que les caricatures qu'on en présente le plus souvent: c'est une métaphysique des moeurs bien plutôt qu'une théorie du monde; c'est une conception d'une marche vers la délivrance étroitement liée: d'une part, à la connaissance expérimentale que nous avons acquise des obstacles qui s'opposent à la satisfaction de nos imaginations (ou, si l'on veut, liée au sentiment d'un déterminisme social), - d'autre part, à la conviction profonde de notre faiblesse naturelle. Il ne faut jamais séparer ces trois aspects du pessimisme, bien que dans l'usage on ne tienne guère compte de leur étroite liaison.
Je note aussi que Sorel critiquait déjà les hommes de gauche attachés à la classe des prolétaires et qui osaient aider les opprimés de la classe capitaliste, à l'image de Mélenchon avec l'ex-trader de la Société générale.
Avant 1914, le capitalisme est encore en phase de domination formelle et poursuit son essor. Il ne domine donc pas le système de manière réelle. Dans ces conditions, les idées proposées par Sorel dans Réflexions sur la violence ont encore une validité pratique. Mais le syndicalisme révolutionnaire avait une utilité dans la mesure où elle permettait d'améliorer les conditions matérielles d'existences des prolétaires sans pour autant offrir les possibilités de la révolution sociale, ce qui était de toute façon impossible en phase de domination formelle du capitalisme. Toutefois, le syndicalisme révolutionnaire n'a plus lieu d'être en phase de domination réelle car l'émancipation des travailleurs doit être l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes. Par conséquent, un syndicat, aussi révolutionnaire soit-il, ne pourrait émanciper les travailleurs.
En 1937, la Catalogne connaît une révolte radicale des ouvriers et des paysans qui veulent s'auto-abolir en tant que classe pendant la guerre. Les deux syndicats majoritaires de la région, le PNOUM (Parti Ouvrier d'Unification Marxiste) et la CNT (Confédération Nationale du Travail) répriment durement cette révolte avec les staliniens des Brigades internationales. Les syndicats sont donc toujours contre la révolution. Alors comme le dirait Cousin, Sorel poubelle!
P.S.: Voir ma critique des Syndicats contre la révolution pour plus de compréhension critique!