Ce roman retrace le parcours plutôt banal d'une fillette devenant femme pendant les années menant à la seconde guerre mondiale, puis lors de celle-ci.
Malgré le fait que Le Clézio qualifie le personnage principal d'héroïne, elle n'a de cette qualité que le fait d'être vivante, et rien de plus. Ou bien, nous pourrions estimer que chaque être humain est un héros: tout dépend du sens que l'on porte à ce terme.
La perception d'Ethel sur les évènements extérieurs ressemble plutôt à un rêve, ou je dirais même a une inconscience; en effet elle semble plus pré-occuppée, somme toute, d'elle même ou de sa famille. Les évènements n'agissent que comme une toile de fond, même si ceux-ci impactent la vie d'Ethel. Avec le désagrègement de la réalité externe, c'est en parallèle la vie familiale d'Ethel qui se désagrège.
Tout ceci pourtant ne rend pas la trame intéressante; ce qui s'y déroule est plutôt anodin - voire j'en ressens presque une sensation d'égoisme ou du moins d'égocentrisme de la part d'Ethel. Ce n'est que lorsque la guerre l'impacte directement qu'elle n'est vraiment forcée d'y prêter attention. De ce fait, les personnages ne sont ni particulièrement attachants, ni particulièrement singuliers.
Certaines des citations qu'inclue Le Clézio dans le texte sont elles aussi tellements connues des français, qu'elles n'éclairent ni n'instruisent cette toile de fond qu'est la guerre, elles font d'ailleurs plutôt tâche dans le roman, placés telles qu'elles le sont quasi-arbitrairement. (Nous y trouvons par exemple: "loi du 2 juin prescrivant le rescencement des juifs" ou le fameux décret signé par Pétain et companie délinéant le discours officiel de l'antisémitisme français).
Les aspects que réussit bien l'auteur sont l'établissement parallèle de la désintégration du "vaisseau familial" en fonction des évènements externes, ainsi que le rendu à travers les discussions familiales de l'absurdité des propos/avis que peuvent tenir les gens sur le monde autour d'eux.
De longue date un grand afficionado de J.M.G. Le Clézio, ce roman est une déception. Le style littéraire lui même est correct, mais vide de toute la fougue, de toute la folie illuminatrice dont est capable cet auteur, et qui auraient pu suffir à rattraper la banalité romanesque par une explosion cérébrale des mots.
Ce roman prouve donc qu'un écrivain ne peut les réussir tous.
Finalement, une des phrases les plus emblématiques de ce roman est "C'était comme si on avait tout caché" ; et c'est un peu ce que je ressens: c'est un peu comme si Le Clézio avait réussi a cacher tout son talent.