Le journaliste prend le pas sur l'écrivain - Rome
Je viens de finir Rome de Zola, la suite de Lourdes dans la trilogie des trois villes.
On suit toujours le prêtre Pierre Froment qui, au début de l'histoire vient d'écrire un essai de réforme de l'Église catholique. Il prône un retour au christianisme des débuts, charitable et dédié au peuple et aux petits. Il apprend que son livre risque d'être mis à l'Index et est invité à se rendre à Rome pour défendre ses idées.
Il se retrouve confronté à l'énorme machine politique du Vatican, faite d'alliances et de complots, bien loin de sa conception pure et naïve du catholicisme.
En parallèle, Zola décrit reconstruction de Rome, annexée par le royaume de Victor-Emmanuel II en 70. La ville est déchirée entre les familles patriciennes sur le déclin, alliées du pape roi, et une bourgeoisie alliée à la monarchie, décrite comme composée de parvenus, spéculateurs et sans scrupules.
Pierre est hébergé au sein de la très vieille et noble famille Boccanera coincé entre un cardinal rigoriste et un couple d'amoureux en lutte pour pouvoir se marier.
En lui-même, le pavé (900 pages) est assez dur à digérer dans sa première partie. Zola ne nous épargne ni les palais des cardinaux, ni les ruelles peuplées de miséreux, ni les catacombes des premiers chrétiens, ni le Vatican dans ses moindres recoins, bref la visite est longue quoique intéressante pour qui est déjà allé à Rome.
La page historique de la Rome papale sur le déclin est également très intéressante, et comme d'habitude avec Zola, le sujet est fouillé. C'est très instructif d'autant qu'on connaît mal cette partie de l'histoire italienne chez nous.
Pour autant le roman (car cela reste un roman) garde une trame simple (Pierre défend son livre et vogue de cardinal en conseiller du pape à la recherche d'un appui) et le prétexte est un peu léger pour un tel inventaire.
La seconde moitié du roman est plus sombre, avec une ambiance volontaire de complots à la Borgia. Alors qu'il a perdu la foi dans Lourdes, Pierre perd peu à peu ses illusion dans l'Eglise et se retrouve pris au milieu d'une intrigue politique.
A lire, comme d'habitude pour l'incroyable qualité documentaire (Zola a passé plusieurs semaines à Rome pour préparer le roman et a même tenté en vain de rencontrer Léon XIII), un peu moins que les Rougon-Macquart pour le côté littéraire, comme Lourdes.