On entre dans le dernier carré des HoMe ; carré d'as en ce qui me concerne. Ce tome 9 est un peu particulier, puisqu'il réunit deux univers totalement distincts, qui ne sont liés que par leur date de rédaction. Le premier tiers du bouquin solde les brouillons du Seigneur des Anneaux, dans la lignée des trois volumes précédents. Ce n'est pas la partie la plus passionnante, même si l'évolution des idées de Tolkien sur les événements conduisant à la destruction de l'Anneau ou le déroulement du Nettoyage de la Comté est intéressante à suivre.
La deuxième partie constitue le plat de résistance : un long roman, hélas inachevé, intitulé The Notion Club Papers (« Les Archives du Notion Club »). Parfait OVNI dans l'œuvre de Tolkien, ce texte se présente sous la forme de minutes des réunions d'un club de professeurs d'Oxford, le Notion Club, dans la deuxième moitié des années 1980. Prétexte pour, dans la première partie, s'adonner à de la critique littéraire de diverses œuvres de science-fiction (Tolkien connaît bien C. S. Lewis, ça va de soi, mais aussi les pionniers du genre, tels que H. G. Wells, David Lindsay ou Olaf Stapledon) et avancer des théories sur le rêve et des sortes de... « visions astrales » ? La deuxième partie du roman intéressera davantage les aficionados de la Terre du Milieu, en s'attachant aux visions qu'à un membre du Notion Club d'une île engloutie lors d'un terrible cataclysme dans un lointain passé... On arrive ici en terrain connu : c'est simplement l'argument du roman tout aussi inachevé La Route perdue, dans un cadre différent — et l'on mesure la progression de l'écrivain Tolkien durant la petite décennie (1937-1944) qui sépare les deux œuvres !
Enfin, la troisième partie, étroitement liée aux Papers, offre plusieurs variations du récit de la chute de Númenor qui aboutira à l'Akallabêth du Silmarillion. Elles sont particulièrement dignes d'intérêt pour leurs points de vue : certaines se présentent comme des comptes-rendus humains, remplis d'« erreurs » (confondre les Valar et les Eldar, etc.), d'autres comme des textes elfiques, plus précis. En appendice, la grammaire (inachevée) de l'adûnaic, la langue des Númenóréens, offrira aux apprentis lambendili un bel os à ronger.
Au final, ce volume s'avère l'une des lectures les plus passionnantes et surprenantes (mais pas la plus évidente, loin de là) de la série. Il m'arrive de prendre à rêver d'une version complète des Notion Club Papers... une chimère, hélas...