Et transperçant ces souvenirs, telles des pointes de métal rouillées, il y avait d'autres souvenirs.
Quelle ambiance. J'ai été tout de suite dedans. Ellory sait décrire les vieilles baraques, les chemins de terre, les cours de récré, les salles de classe, et New York avec ses bagnoles partout, les gens qui bousculent, le bruit qui cognent, l'étourdissement, l'alcool et les tentatives d'ivresse de toutes sortes. Les tourbillons. En quelques phrases, j'y étais. Dedans. Avec Joseph Vaughan. A le talonner. A regarder tout autour de lui pour voir si j'apercevais ce tueur sanguinaire.
J'ai trouvé les personnages tous incroyablement justes dans leurs silences, dans leurs mots, dans les non-dits et dans les peurs et les colères. Dans l'amour aussi. Ellory met des phrases qui parlent, qui disent, qui font ressentir. L'impression d'être à table avec eux, d'écouter leurs histoires, et de comprendre toutes leurs difficultés.
Et le personnage de Joseph est vraiment bon, avec cette double voix que lui donne l'auteur, avec ses obsessions auxquelles il s'accroche, qu'il ne lâche pas. J'en devenais aussi obsédée que lui par l'obscurité, les plumes blanches annonciatrices de mort, et les gens.
Suivre Joseph Vaughan de son adolescence à l'âge adulte, c'est permettre un tel attachement qu'on lui tient la main tout du long. Parfois, le lecteur tire un peu, a l'impression de devoir l'aider à se lever, à regarder, à sortir de la mélasse, parfois c'est le personnage qui prend fermement notre bras, serre les poings si fort qu'il en a les marques des ongles comme des croissants de lune dans la paume. Et on avance. Cahin Caha. Vaille que Vaille. Dans la noirceur.
Un rythme parfait tout au long du livre, avec un style qui joue sur les répétitions, ce qui souligne parfaitement la trace indélébile et obsédante en Joseph, tout en permettant de rester dedans, à fond, plongé. Presque en apnée. Et si on lâche un peu le livre, quand on le retrouve, Ellory nous redonne illico toutes les saveurs, les odeurs, les couleurs, les sons et les mots : immédiatement on se souvient, ça nous saute dessus, submerge et on ne lâche plus les pages.
Bémol sur la fin, peut-être, je ne sais pas.
A la fois, ça traîne, l'impression qu'il a voulu maintenir le suspens en rallongeant de quelques pages. A la fois, ça va trop vite (heureusement on évite l'explication à rallonge. Merci Ellory, d'ailleurs, de toujours très bien savoir éviter tout étalage inintéressant).
J'aurais bien réduit de 100 pages (ou alors, c'est juste que j'ai du m'arrêter de lire pendant trop longtemps... Peut-être un livre qui s'avale plus qu'il ne se déguste... Et pourtant... il y a aussi des passages terriblement bien écrits, presque poétique, avec des métaphores et des symboles. Parce que Vaughan ressent les choses, comme il ne comprend rien, il compense, et voit des Signes, donne un Sens au monde, essaye d'en trouver un à tout prix.)
Je lirais bien un autre livre de lui.