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C'est rare de trouver du génie dans un roman. Or, en plus d'un talent indéniable, d'un grand sens de l'humour, de l'autodérision, d'une véritable érudition, d'un amour de la langue française et d'un (parfois) mauvais goût esthétisé par l'emploi de formules aussi polissonnes qu'élégantes... Son Excellence Otto nous livre dans Siegfried Follies un exemple du génie dont il est atteint. Jamais ailleurs je n'ai lu pareilles choses, grotesques, dégoûtantes, cyniques, amusantes (voire franchement drôles) ou émouvantes... avec autant de plaisir. Dans la lignée du Foutre de guerre et de La Philosophie dans le devoir, Son Excellence nous conte ses aventures délirantes et ses déboires, au sein d'une l'Allemagne des années 30, où il traite "l'indigène" avec l'indélicatesse, la prétention et l'orgueil d'un colonisateur débarquant chez des sauvages. C'est vraiment bon. Et totalement dépaysant ! Extraits choisis :



Que l'on est démuni face aux esprits qui marchent à reculons et qui
sont multitude là où je ne suis qu'unité.



Ou encore :



Quelle concordance magnétique a pu conduire à cette alchimique
émulsion, ce précipité de passion, ce distillé de complicité, ce
sublimé d’amour ? L’olfactif a sans doute une large part et les corps
savent dire ce que l’esprit, trop rationnel ou trop inhibé, peine à
exprimer ou deviner. Mais il y avait autre chose, et il ne reste ce
matin qu’un charbonné de déception, un putréfié de désespoir, un
corrodé d’amertume. Et le silence assourdissant de la solitude.
Ma vie n’est-elle donc qu’érections et larmes ?



Mais aussi :



Je ne suis qu'un cerf à qui on a coupé les bois, un éléphant (réellement) sans trompe, une mouche sans ailes, une alouette sans queue. Je ne suis plus qu'une ombre à mauvaise haleine, une gloire passée, un oubli nécessaire. La colère m'a déserté en même temps que le désir de vie.



Et pour finir :



Au rythme d'une sinistre danse sans violons, la canaille s'étreint, se croche à bras-le-corps et se distribue de furieuses ondées de nasardes et de copieuses giroflées à cinq feuilles. Parmi les anhélations de la lutte, où s'accrochent râles et insultes, on distingue le son mat de la phalange qui s'écrase sur la dent ou le poumon qui se vide sous l'effet d'une atteinte. Un bras, adroitement saisi en travers d'une cuisse, est retourné à hauteur du coude en un affreux craquement de bois sec, un visage est imprimé sur l'asphalte à coups de talon, des giclées de sang crèvent l'espace comme de minuscules comètes.


CatherineMarx
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Créée

le 28 juil. 2016

Critique lue 90 fois

Catherine Marx

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