Que serais-je sans toi, épisode 11/12
[Avertissement : cette critique est le onzième épisode d’une étude sur Que serai-je sans toi ? de Guillaume Musso. Pour plus de clarté sur le projet :
http://www.senscritique.com/liste/Musso_parce_qu_il_le_vaut_bien/500931
III. Le roman, vision de l’homme et vision du monde
Dans cette dernière partie, nous nous attacherons à définir les messages philosophiques véhiculés par l’œuvre, vectrice d’espoir et d’amour.
N’ayant pas l’outrecuidance de prétendre rivaliser avec l’auteur sur des thèmes aussi riches que l’amour, la mort ou la vie, nous nous effacerons la plupart du temps au profit de citations qui rendront hommage à sa vision du monde.
A. Pensées
Le tragique :
« …elle était convaincue que cette fin tragique s’inscrivait dans la logique de leur affrontement sans merci.
Elle avait refusé de choisir entre les deux, elle avait voulu les préserver, les rapprocher, les aimer ensemble, mais sans doute y a-t-il (1) des duels dont l’issue inéluctable ne peut être que la mort. » (p. 239)
(1) Avertissement au lecteur : présent gnomique, leçon universelle à venir.
La fuite du temps :
« - Profite du paysage parce que tu ne le verras plus jamais aussi préservé (1) : ils sont en train de construire un sentier piétonnier pour le relier au parking du Nid d’Aigle.
- C’est triste, se désola Gabrielle. (2)
- C’est la vie (3) se résigna-t-il en caressant la cape souple et huileuse de son Habano.
- Rien ne dure, c’est ça que tu cherches à me dire ? (4)
- Oui, tout s’anéantit, tout passe et tout casse. Seul compte l’instant.
Archibald coupa l’extrémité de son havane avant de tirer à cru sur le cigare. Gabrielle lui tint tête (5) :
- Non, il y a des choses qui résistent, il y a des choses qui durent.
- Comme quoi ?
- L’amour ? hasarda-t-elle.
- L’amour ! Il n’y a rien de plus fragile ni de plus éphémère. L’amour, c’est comme un feu un jour de pluie : tu dois tout le temps le protéger, l’alimenter et en prendre soin, sinon il s’éteint…
- Il y a des amours qui durent.
- Non, ce qui dure, c’est la douleur qui reste après l’amour.
- Je n’aime pas ce que tu dis. (6)
- Si tu as peur d’entendre certaines réponses, il vaut mieux ne pas poser certaines questions. (7) » (pp. 213-214)
(1) Belle préoccupation d’ordre écologique. On se permettra de rappeler qu’Archibald possède un yacht, un hélicoptère et qu’il vient de rejoindre cette plage paradisiaque avec un hydravion personnel.
(2) Notons le caractère péremptoire et définitif de cette réplique, qui excuse son manque flagrant d’originalité.
(3) Notons le caractère péremptoire et définitif de cette réplique, qui excuse son manque flagrant d’originalité.
(4) M. Musso n’apprécie guère l’implicite : son héroïne en est-ici la porte-parole.
(5) Le disciple, dans cet échange crucial, met en place un débat. Nous passons donc du didactique au polémique.
(6) Notons le caractère péremptoire et définitif… etc.
(7) Dans ta face, ma fille. Retour au didactique, et la cruchasse peut aller se rhabiller.
L’amour sacré mène les personnages vers le mysticisme :
« Restée seule sur la véranda, elle sentit la chair de poule envahir son corps tandis qu’une larme discrète coulait le long de sa joue.
Cette larme, c’était un concentré de gratitude.
Gratitude envers la vie, le hasard, le karma, la chance, la providence, le grand architecte qui présidait à nos destinées, Dieu lui-même s’Il existait… Qu’importe ! Martin était de retour dans sa vie. Et cette fois, elle savait que c’était pour toujours. Par une étrange alchimie, l’accord de leurs corps avait débouché sur l’accord de leurs âmes. » (p. 205)
La vie :
« Pourquoi l’amour est-il une drogue dure ?
Pourquoi, en s’aimant, s’inflige-t-on une telle souffrance ?
La musique d’un orgue de Barbarie le ramena un instant à la réalité. Il reconnut la mélodie entraînante du beau film de Truffaut, il se souvint du titre de la chanson : Le Tourbillon de la vie.
C’est vrai, la vie est comme ça…(1)
Tantôt un tourbillon qui nous émerveille, comme un tour de manège pendant l’enfance.
Tantôt un tourbillon d’amour et d’ivresse, lorsqu’on s’endort dans les bras l’un de l’autre dans un lit trop étroit puis qu’on prend son petit-déjeuner à midi parce qu’on a fait l’amour trop longtemps.
Tantôt un tourbillon dévastateur, un typhon violent qui cherche à nous entrainer vers le fond lorsque, pris par la tempête dans une coquille de noix, on comprend qu’on sera seul pour affronter la vague.
Et que l’on a peur. »(p. 116)
(1) Démocratie mon amie : de la leçon philosophique à portée de tous, y compris des animaux de compagnie.
« Voilà.
Cette histoire ne raconte que les choses de la vie (1).
L’histoire d’un homme et d’une femme qui courent l’un vers l’autre. » (p. 30)
(1) De la valeur rhétorique de la négation restrictive : tout un programme, dès la p. 30 !
Une leçon :
« Un saut dans le vide de 70 mètres.
Une chute de plus de 4 secondes.
C’est long, 4 secondes, surtout quand vous savez que ce sont les derniers moments de votre vie. […]
Même si vous vous êtes jeté volontairement (1) il y a toujours un moment, au milieu de la chute, où vous donneriez n’importe quoi pour revenir en arrière.
C’est comme ça.
Toujours. » (p. 232)
(1) Ami lecteur, toi qui a tenu bon jusqu’à la page 232 de ce roman, peut-être as-tu toi-même des envies de suicide. M. Musso a dans ce cas des conseils à te donner. En gros, évite ; rien que pour pouvoir acheter son prochain roman.
La morale de l’histoire.
Relativement simpl(ist)e, elle consiste à démontrer que les gens sont méchants…
« Par la fenêtre, il regarda le ciel et ses étoiles. Surtout, il était fasciné par l’astre brillant qu’il avait d’abord pris pour la lune, mais qui était peut-être la terre : la planète bleue flottait, lointaine, avec ses habitants qui s’aimaient, s’entre-tuaient et la détruisaient méthodiquement. » (pp. 256-257)
…et que les protagonistes, qui en ont peur, devront se reconnaître entre eux pour ce qu’ils sont, à savoir des gens gentils.
« - Gabrielle, poursuivit Archie, c’est la femme d’une vie, c’est une pierre précieuse unique, plus rare encore que ce diamant que je voulais voler. (p. 258)
- Sans moi, tu n’aurais jamais eu le courage de venir la retrouver ! Parce que c’est ça ton problème, Martin Beaumont : tu as peur !
Martin n’était pas sur de comprendre. (1) Archie insista :
- Tu connais la phrase de Mandela (2) : c’est notre lumière, pas notre ombre, qui nous effraie le plus. (3) Ce qui te fait peur, p’tit gars, ce ne sont pas tes faiblesses, ce sont tes qualités (4). C’est flippant, n’est-ce pas, de se dire que l’on a beaucoup d’atouts dans sa manche ? C’est tellement plus rassurant de baigner dans sa médiocrité en maudissant la terre entière (5)…
- Qu’est-ce que vous cherchez à me dire ? (6)
- Je cherche à te donner un conseil : mets tes peurs entre parenthèses et prends le risque d’être heureux (7) » (p. 262)
(1) On vous l’a déjà dit : Martin n’est jamais sûr de comprendre. Ce n’est pas qu’il ait le Q.I. d’un artichaut, non : faire répéter à ses interlocuteurs permet au lecteur de moins de huit ans de comprendre. Astucieux, non ?
(2) Bien sûr. Tout le monde connaît cette phrase de Mandela, voyons.
(3) Dichotomie.
(4) Dichotomie.
(5) Dichotomie.
(6) On vous l’a déjà dit : Martin n’est jamais sûr de comprendre. Ce n’est pas qu’il ait le Q.I. d’un poulpe, etc.
(7) Archibald est devenu à ce moment-là le moine bouddhiste du haut de la montagne s’adressant au petit scarabée, ce qui est tout à fait légitime puisqu’ils sont dans le fameux aéroport de comateux et qu’Archibald va prendre le ticket destination mort en classe affaire de Martin en échange du sien direction vie en tourisme.
D’où la définition finale du héros :
« - Et… pourquoi moi ? (1) […]
- Parce qu’il n’y a que toi, p’tit gars, qui as su résoudre l’équation. Qui as eu le courage de me suivre jusqu’ici. Parce que tu as été plus malin que le FBI, les mafieux russes et toutes les polices du monde réunies. Parce que tu réfléchis avec ta tête, mais aussi avec ton cœur. Parce que tu as pris des coups dans la gueule, mais que tu tiens toujours debout. Parce que, d’une certaine façon, toi c’est moi, sauf que tu vas réussir là où j’ai échoué : tu vas savoir aimer…(2) » (pp. 263-264)
(1) On vous l’a déjà dit, Martin…
(2) Mafia russe, police, FBI, tête, cœur, amour : voici en une phrase résumé le statut du héros selon M. Musso et les ingrédients indispensables à sa soupe.
Le prochain et dernier épisode : la mise en abyme :
http://www.senscritique.com/livre/Central_Park/critique/35183254
L'intégralité de la saga :
http://www.senscritique.com/liste/Musso_parce_qu_il_le_vaut_bien/500931