La notion d'aliénation est devenue si prégnante et si dérangeante en nos modernes sociétés que d'un commun accord, tous ceux qui font profession de penser l'ont prudemment rangé au placard. C'est comme la pollution de l'air ou des rivières : quand cela est devenu une norme quotidienne, on cesse d'en parler. Une multitude de vocables à connotation scientifique ont donc été inventés tout spécialement pour écarter ce concept importun et le rendre moins perceptible, plus flou. Quand l'on veut noyer son chien, on prétend qu'il a la rage, dit le proverbe. Il faut donc remonter un bon demi-siècle en arrière pour retrouver un chercheur osant vraiment se confronter à cette inquiétante formulation et en décrivant la substance.
Joseph Gabel, sociologue et philosophe d'origine hongroise, devenu français en 1950, auteur également du remarquable ouvrage "La fausse conscience", osa donc cette confrontation. Il en retira une étonnante lucidité sur les évolutions possibles du totalitarisme, mondialement.
Lui qui, par exemple, disait déjà "Le progrès technique n'a pas ouvert la porte de notre prison : il nous a fait simplement changer de cellule."
Pour plus de précisions, voir ma liste https://www.senscritique.com/liste/Alienation_Fausse_Conscience_et_Reification/2003220