Ô France, chère à toute âme éprise du genre humain !

Voyageur invétéré, l’histoire qui lie Kipling à la France remonte à ses douze ans alors qu'il arpentait les dédales de l'Exposition Universelle de Paris de 1878 à laquelle son père participait comme commissaire de la section des Arts et des Industries des Indes. Il y entrevit la liberté aux travers des yeux du colosse de Bartholdi. Cette relation il l'approfondira au grès de ses lectures ("Donnez à un petit Anglais la moitié de Vingt mille lieues sous les mers à lire dans sa langue maternelle. Une fois bien intoxiqué, retirez-lui le livre et donnez-lui la seconde moitié dans le texte original. Après, - jamais avant, - Dumas, le roi des amuseurs. Et le reste à la grâce de Dieu.") et des ses nouvelles incursions en Gaule. Il y remettra les pieds à l'occasion de l'Expo Universelle de Paris de 1889 et surtout avec sa femme à peu près tous les ans. A bord de leur automobile il découvrit la richesse de ses paysages et des ses paysans aussi prompts au labeur qu'à l'obligeance, la gentillesse et le plaisir ("Un pays où les hommes, les femmes, les enfants et les chiens tiennent le travail pour une part normale de l'existence, est un pays qu'on n'"a" pas comme on veut. Cette vertu de labeur s'accompagne d'une habitude d'économie en toutes choses, qui fait que le reste ne coûte plus rien."). France tu as bien changée! Il fut un temps où tu comptais dans tes rangs les intellectuels les plus lumineux et les habitants le plus philosophes. Il découvrit également la France foudroyée par la Grande Guerre et se targuera de compter Clemenceau parmi ses amis.
Tout sujet de la Couronne qu'il était, ce n'est pas sans fierté qu'on lit l'éloge qu'il fit de la France et qu'il résuma brillamment en prose :

Rompue à toutes les formes possibles du guignon,
les bravant toutes
Par son rire clair et sain, ce bouclier des gaules,
Furieuse au plaisir, indomptable au travail,
Terrible par les forces qu'elle tire d'un sol infatigable,
Juge exigeant de son mérite, bienveillant pour
l'effort d'autrui,
Ivre des vérités nouvelles, entêtées des vieilles vérités,
O France, chère à toute âme éprise du genre humain !