Un livre remarquable et complet
Après la formidable description qu'avait fait Antony Beevor du Jour J et de la Bataille de Normandie, j'avais envie de découvrir ce qu'il avait fait d'autre auparavant. J'ai choisi Stalingrad parce que c'est un sujet que je connais relativement bien pour en avoir fait un travail lorsque j'étais plus jeune pour les cours.
Ici encore le récit est extrêmement complet qui parle de la préparation de la Bataille jusqu'à son achèvement et le sort de certains prisonniers allemands. Entretemps, c'est toutes les poussées et les multiples contre-attaques qui sont décrites. Le tout est extrêmement intéressant en dépit du côté fouillis que peuvent avoir les batailles (le front s'étendait en réalité sur plus d'une centaine de kilomètres) et les multiples retournements de situations qu'ont pu connaître Russes et Allemands. C'est peut-être le petit défaut du livre, c'est qu'il est parfois difficile d'avoir une vue d'ensemble de ce qui se passait, tant tout semble confus, mais ce fut également un sentiment que les soldats ont connu pendant cette bataille. Le Troisième Reich lança son assaut sur l'URSS en mai 1941 ce qui permet d'évoquer bien plus que Stalingrad. L'avance allemande est fulgurante, habitués à la Blitzkrieg, la Guerre éclair. Première désillusion avec l'hiver 41 où les Russes contre-attaquent et repoussent les Allemands. Qu'importe ces derniers relanceront des offensives qui aboutiront de septembre 1942 à janvier 1943 à la bataille de Stalingrad.
Antony Beevor est un historien, mais il faut quand même reconnaître que son travail de recherche est extrêmement fourni et impressionnant. Allant en Allemagne et pouvant accéder également à des archives en Russie des événements, l'auteur nous raconte aussi bien l'histoire de certains grands généraux, les tournants de la bataille, les raisons de la défaite allemande, mais surtout énormément d'anecdotes, de tranches de vie de soldats qu'ils soient Soviétiques, Allemands, Ukrainiens, Italiens, Roumains,...
Le point fort du livre est également de constater l'incroyable pression du NKVD, la police politique, sur les Soviétiques. A Stalingrad, ils éliminèrent des dizaines de milliers de leurs hommes considérés comme traitres à la nation (émettre des doutes quant à la victoire suffisait pour être considéré comme tel) ou de soldats reculant face à la puissance adverse où l'ordre de Staline était: "pas un seul pas en arrière, faites feu sur les lâches."
De l'autre côté, on ressent également l'incroyable influence d'Hitler sur la bataille alors qu'il n'avait une vision de Stalingrad que de cartes avec des petits drapeaux. S'étant proclamé chef de toutes les Armées, c'était lui qui prenait les décisions finales. C'est ce qui condamna la Sixième Armée à périr et se rendre à Stalingrad. Des dizaines de milliers d'Allemands furent envoyés dans des camps dont très peu revinrent chez eux des années après la guerre.
L'autre point impressionnant, c'est qu'à travers toutes les histoires personnelles, on peut ressentir l'horreur de la bataille, le moral en hausse ou en baisse des soldats selon les résultats de leurs camps, la misère, les conditions de vie épouvantables à la fin de la bataille chez les Allemands (aucun soldat n'était en bonne santé, des jours sans manger), conditions que les Soviétiques ont également connues au début de cette bataille.
Stalingrad est l'affrontement certainement le plus meurtrier de la guerre. Une bataille où l'être humain n'était plus. C'était deux bêtes défendant une opinion et un système qui s'affrontaient. Des combats où l'humanité n'avait presque plus sa place et où les prisonniers furent bien souvent achevés, quand on ne les laissait pas mourir de fin. L'apologie de la haine d'autrui expliquée avec recul et de manière remarquable par cet historien qu'est Antony Beevor.