"De quoi The Fabelmans est-il le film ? La grande fable du génie précoce du cinéma adoubé par le maître John Ford est une fable amoindrie sur ce que peut le cinéma, le plus grand chapiteau du monde, rabattue dans la lorgnette du nombril d'Œdipe. Le cinéma de Steven Spielberg est deux fois révisionniste. On y révise en premier de la classe les grands classiques pour une révision à la baisse de leurs forces critiques. La démiurgie n'est plus disposée à l'ouverture d'un horizon (c'est pourtant la leçon fordienne), mais vouée à sa révision réductrice dans l'espace de la maison (c'est sa révision spielbergienne, sa domestication en miniature). La réduction a pour dernier trou celui, régressif, d'une analité dont le triomphe a sonné avec E.T. (1982), l'étron spécial avec pour poster une Lune publicitaire et pour étoile du berger une blague qui dit la vérité (l'E.T., d'où vient-il ? D'Uranus bien entendu !).
La révision aura connu son acmé, qui est un intolérable point de non retour, avec La Liste de Schindler (1993). Le grand spectacle s'y ingénie à accourcir le judéocide nazi en une histoire de sauvetage, de justes et de douches qui ne tuent pas et dont l'aboutissement est la fondation d'Israël en nouvelle maison des Juifs. La judéité avait déjà ce pouvoir de faire jaillir de l'Arche d'alliance les fantômes cartoonesques réduisant en bouillie les nazis. C'était en 1981 dans le premier volet des aventures d'Indiana Jones, l'André Malraux des lecteurs du journal de Mickey que nous avons été en rêvant alors de devenir archéologue. Le pilleur de tombes qui en « sauve » le trésor n'hésite jamais à en dévaster le site, pourtant aussi précieux sur le plan archéologique. Mais l'aventure n'a pas d'égard pour ce genre de précautions"
https://www.rayonvertcinema.org/the-fabelmans-steven-spielberg/