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Le texte :
Toute cette histoire tourne autour d’un trésor. D’abord celui d’un navire dont le naufrage qui ouvre le livre est un des plus beaux moments de lecture de ces dernières semaines. Il y a dans ces quelques pages un souffle épique qui ne se dément plus au fil des pages.
Ensuite, celui à la poursuite duquel partent successivement les différents personnages du récit. Serena Otero ne court pas après l’or mais après un fantasme. Severo Bracamonte rêve de découvrir le trésor perdu du galion échoué sur les terres de la famille de Serena mais trouvera un havre et une femme. Mateo et Eva Fuego se consument de ne pas atteindre leur idéal fait d’or et d’amour.
Chacun cherche son propre trésor sans comprendre vraiment à la poursuite de quoi ils se lancent, sans prendre le temps de se demander ce qui importe dans leur vie. A tour de rôle, ils répètent les mêmes boucles humaines, les mêmes récits, les mêmes aventures. Ainsi de façon cyclique les mêmes événements reviennent comme pour mieux scander la morale de ce conte philosophique et initiatique.
On retrouve le Miguel Bonnefoy conteur et ménestrel du « Voyage d’Octavio » avec la sagesse de quelques années supplémentaires, avec une humanité plus grande et un art de la narration plus abouti, mieux construit, plus intelligent encore.
Miguel Bonnefoy en revient encore plus que dans son précédent roman à l’humain : on ne cherche jamais aussi bien et aussi profondément, aussi véridiquement, qu’avec son cœur, sans vraiment chercher d’ailleurs ; le hasard est au cœur du récit de Miguel Bonnefoy, sous couvert d’un certain déterminisme, d’une certaine fatalité qui ne sert que de voile pour mieux rendre son histoire et son message mystérieux. Tout comme la canne à sucre n’est qu’un symbole de l’or noir qui secoue le Venezuela et le fait trembler.
La fragilité d’un destin, d’un pays, qui vacillent sur leurs fondations, sont au centre du récit de Miguel Bonnefoy qui livre ici, à travers une galerie de personnages, notamment (surtout !) féminins, aussi attachants qu’énervants par moment, aux voix puissantes qui résonnent longtemps dans l’histoire et après avoir tourné la dernière page du livre, portant les messages symboliques que l’auteur veut faire passer, une fable aussi poétique et merveilleuse qu’ancrée dans la réalité.
A coup de métaphores, d’images, de paraboles, de références, Miguel Bonnefoy, une fois de plus, explore plusieurs mailles narratives, un point à l’envers, un point à l’endroit, un point de croix, pour esquisser son motif. Il porte son talent au-delà des espoirs que « Le voyage d’Octavio » portait déjà en lui. Il le fait avec une fluidité plus assumée, un naturel plus bluffant, encore.