Tabous
6.6
Tabous

livre de Danielle Thiéry (2016)

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Le texte :


J’avais découvert Marion Edwige, le personnage récurrent chez Danielle Thiéry avec toute son équipe, au moment de la parution de « Crimes de Seine » et de « Le jour de gloire », parus chez Rivages. La qualité de « Tabous » ne vient que confirmer les qualités trouvées dans ces précédentes lectures.


Nous retrouvons donc l’équipe d’Edwige Marion appelée à enquêter dans la région bordelaise suite à la disparition d’une jeune femme et de sa petite fille qui n’a que quelques mois. Edwige est accompagnée, entre autre, de Valentine Cara et d’Alix de Clavery, psycho-criminologue. Alix va leur servir à décoder les attitudes des différents protagonistes d’une histoire qui tourne autour d’une famille de ce qu’on pourrait appeler la bourgeoisie locale. Celia, la femme qui a disparu, est issue d’un milieu aisé, père industriel, mère au foyer. Elle a épousé un homme d’origine musulmane dont elle a eu deux enfants : Réza-Léon et Roxanne.


Alix est le personnage central de l’histoire, face à une Marion Edwige plus effacée, en opposition avec Valentie Cara qui voit sa présence comme un danger pour la relation qu’elle a avec sa cheffe. Et c’est pourtant Alix qui va déverrouiller les situations de blocage au fur et à mesure et conquérir, de façon fragile, la confiance de Valentine et du reste de l’équipe, au prix d’une mise en danger d’elle-même. Alix est aussi impulsive que généreuse et humaine : son personnage, son intelligence, son caractère permettent aux enquêteurs d’aller au-delà des apparences ce qui n’est, selon les dires de Danielle Thiéry qui parle d’expérience, jamais simple pour des enquêteurs qui partent de ce qu’ils observent, des apparences donc, pour construire leur enquête. Alix n’est pas liée par ce carcan méthodologique.


Il est d’ailleurs intéressant de noter que toutes les relations entre les personnages sont basées sur l’opposition plus ou moins frontale. Ces tensions entre les personnages participent activement à la mise en place d’une ambiance lourde, d’autant plus lourde que Danielle Thiéry aborde ici des sujets particulièrement choquant pour toute personne et pour le père que je suis en particulier.


Les tabous autour desquels Danielle Thiéry brode son histoire sont pour partie assez classiques et évidents dès qu’on touche aux histoire de famille et aux petits secrets propres à ces grandes familles de la bourgeoisie de province. L’auteur y ajoute toutefois un tabou supplémentaire, bien réel, bien contemporain : le fait que les violences faites aux personnes et aux enfants en particulier ne sont pas nécessairement uniquement le fait d’hommes mais peuvent aussi être le fait de femmes et qui plus est de mères sur leurs propres progénitures.


Danielle Thiéry s’est inspirée de sa propre expérience et des contacts qu’elle a conservés dans la police pour construire son récit : il se cale au plus près de la réalité tout en arrondissant les angles pour que cette histoire reste acceptable pour le lecteur alors qu’elle a déjà de quoi faire se révolter le cœur le plus endurcit.


Le récit de l’enquête autour de la disparition de Célia et de son bébé est entrecoupé de passages au cours desquels on est face à un truand à la petite semaine, particulièrement psychopathe, qui part en vrille et se réfugie chez une petite vieille dont il usurpe l’identité pendant plusieurs jours pour se terrer chez elle. Cette partie du récit n’est là que pour mener les enquêteurs sur une fausse piste dont Alix n’est d’ailleurs pas dupe (voir mes remarques précédentes sur les apparences qui créent des œillères aux enquêteurs mais pas pour Alix) et pour permettre à Danielle Thiéry d’enrober l’emballage final comme elle le souhaite. Si donc cette partie vient un peu phagocyter le récit principal, il est à noter qu’il a été inspiré à Danielle Thiéry par un véritable fait divers dont elle n’avait lu qu’un mince entrefilet dans un journal mais qui l’avait suffisamment marquée pour qu’elle l’intègre dans un de ses récits.


« Tabous » est un roman qui va loin dans l’expression des tabous sans toutefois verser dans le démonstratif outrancier, dans l’exagération déplacée, l’auteur parvenant ainsi à conserver un regard subtilement humain sur ses personnages (en dehors des plus immondes coupables, s’entend) qui peuvent endosser tour à tour ou en même temps, pour certains, les rôles de victimes et de coupables.


En bref, « Tabous » mérite votre attention tout comme les autres romans de Danielle Thiéry.

Ga_Roupe
7
Écrit par

Créée

le 7 nov. 2016

Critique lue 299 fois

Ga Roupe

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