"Croyez-vous, Roland de Gilead, que des machines puissent devenir séniles ?"
Ce qui est vraiment fascinant dans ce roman, c'est (à mes yeux) la description du Monde de Roland et tous les mystères qui l'entourent.
D'abord, les multiples connections entre ce monde et le nôtre. On trouve, dans l'Entre-Deux-Mondes du pistolero, des avions nazis et des escalators, entre autres. Et, dans notre monde (plus précisément dans New York, puisque c'est le seul lieu de notre univers que l'on ait vu jusqu'à présent), on croise de nombreuses références à la Tour Sombre (jusqu'au personnage du bouquiniste, dénommé Calvin Tower).
Ensuite, la question lancinante, qui ne cesse de revenir dans l'esprit du lecteur (et permet ainsi de développer son imagination) : qu'est-il donc arrivé à ce monde pour qu'il change ainsi (et qu'il continue constamment à changer ; Roland affirme par exemple que les distance entre deux points s'allongent progressivement, comme si le monde s'étirait) ? On imagine un désastre nucléaire, mais ce n'est apparemment pas la bonne réponse (ou pas l'entière réponse).
La description de ce monde en mouvement constant est, par elle-même, assez angoissante. Le temps n'est pas fixe, le monde n'est pas stable, les valeurs semblent avoir disparu, l'humanité elle-même est agonisante. Mais ce n'est pas tout : la description, à la fin du volume, de ces fameuses Terres Perdues est proprement terrifiante.
Rarement le talent de King n'aura été aussi diversifié que dans ce livre. D'un côté, il nous surprend avec des choses auxquelles il ne nous avait pas habitué (ce mélange de western et d'heroic fantasy post apocalyptique), mais on retrouve bien souvent le grand King "traditionnel". Ainsi, c'est toujours un plaisir de retourner dans notre New York et de découvrir la psychologie très fouillée, très dense du petit Jake Chambers. Les scènes de double ou triple montage sont toujours très efficaces pour créer du suspense. Enfin, on retrouve les thèmes habituels du romanciers : les enfants victimes, ou le rapport entre les livres et la réalité (comme si les livres permettaient de mener à un autre niveau de réalité, permettaient de comprendre la réalité mieux que toute autre chose ; voir le rapport entre Charlie Le Tchou-tchou et Blaine le Mono, par exemple).