Titus d'Enfer, premier volume de la Trilogie de Gormenghast fait partie de ces livres qui continuent de vous hanter longtemps après les avoir refermés. La puissance des images, la force de l'univers, les personnages extraordinaires se gravent dans votre esprit pour ne plus en sortir.
La trilogie de Gormenghast fait aussi partie des ces œuvres que l'on brûle de faire connaitre, tant semble injuste que soient méconnus ces romans géniaux alors que les tables de librairies pullulent de livres muets.
Je vous invite donc à franchir les portes de Gormenghast, immense château-univers. Entrez et découvrez ces sombres galeries, ces greniers remplis de lumière et de poussière et tous les habitants qui peuplent cet étrange royaume. La noble famille d'Enfer bien sur mais aussi le docteur Salprune et sa sœur l'irascible Irma, la mélancolique Fushia, le fourbe Finelame sont quelques-uns des incroyables personnages qui peuplent ces pages. Tout ces personnages sont soumis aux étranges et souvent absurdes rituels ancestraux qui guident la vie du château et forment la trame des existences.
Le roman commence sur un double événement : la naissance de Titus, héritier de la famille, appelé à devenir le 77ème comte d'Enfer et l'évasion des cuisines d'un petit commis qui jouera un très grand rôle dans l'histoire, Finelame.
Il est difficile de rendre justice dans une critique à un livre aussi original et génial et notamment à la grande puissance d'évocation du récit. L'auteur est au départ dessinateur et cela se ressent pendant toute la lecture tant la puissance des images évoquées est forte. Les descriptions sont incroyablement vivantes et puissantes. Le château est véritablement là sous nos yeux, vivant et mystérieux.
Les personnages qui peuplent le livre sont à l'avenant. Ils sont trop nombreux pour être tous évoqués ici mais ils sont tous inoubliables. Que ce soit le 76ème comte bibliophile mélancolique, Finelame l'un des meilleurs "méchants" produit par la littérature, le fidèle serviteur Craclosse, le cuisinier Lenflure et tous les autres, ils ont tous quelque chose d'unique. Ils sont tous tour à tour comiques, révoltés, tragiques... Souvent excessifs et pourtant toujours humains et crédibles même dans leurs pires excès.
Romans à l'ambiance indéfinissable , la trilogie de Gormenghast est véritablement une œuvre unique tant il semble vain de vouloir chercher des comparaisons avec des œuvres existantes. Le nom de Tolkien est parfois cité mais j'avoue ne pas vraiment voir le point commun. Ici nulle heroic fantasy, aucune magie, pas d'elfe. Seulement l'étrange château et ses habitants aux prises avec leur destin. C'est le mot baroque qui me vient à l'esprit si je cherche à qualifier ce livre monde.
Mervyn Peake a créé une œuvre dans la matière dont les rêves sont fait, elle en tire la même force d'évocation, d'évasion, d'angoisse et de mystère.
Vous l'avez compris, vous devez lire Mervyn Peake. Et bonne nouvelle la trilogie vient d'être éditée en poche pour la première fois. Vous n'avez donc aucune excuse pour passer à côté de cette œuvre majeure.