Par où commencer et par ou finir une critique d’un livre qui lui mérite bien sa fin, bien moins que son commencement.


Nous sommes d’emblée plongés dans une rencontre entre Fosca et Régine, homme immortel et femme mortel. Les premières pages sont sans doute celles nous rappelant le plus la plume de Simone de Beauvoir. Très vite guidés dans ces questionnements et réponses amenées par l’homme immortel, grand inconnu, dont l’histoire de ses vies et ses morts suivra, nous éclairant sur ses points de vue tranchant sur la condition humaine, la condamnation de la mort, de sa vie et de notre ridicule passage sur terre.


La transition est à mon gout très rude à la première partie, emportant aux prémices de l’existence de Fosca dans un monde moyenâgeux accompagné de ses pauvretés et guerres de territoires. Mais si on parvient à se détacher de la forme, on peut arriver à sentir le fond des pensées auxquelles Simone de Beauvoir s’expliquera en nous emmenant aux fils des pages dans l’enchainement des siècles et des rencontres.


Les parties s’enchainent, les amitiés et les amours aussi, nous faisant ressentir graduellement le gout d’amertume dans la bouche de Fosca comme notre propre pitié suppliant de le soulager dans cette malédiction qu’est son existence. Certaines fois, le personnage reprend vie sous nos yeux aussi stupéfaits que les siens, et on se laisse penser « Enfin ! » mais on se doute vite qu’il s’agit de leurre, puisque celui-ci n’a pas de fin. Au début, on se s’ennuie vite des chagrins de Fosca le jugeant aisément sur ses plaintes, mais au fil du livre on ne peut qu’admirer son courage dans ses nombreuses entreprises de renaissance, « Encore ? ».


Il est intéressant de remarquer que ses vies ne sont présentées que lorsque celui-ci a de la compagnie, ses nombreuses années de solitudes et d’errances laissées sous silence. Puis-ce-que sa solitude ne peut-elle pas résumer l’intégralité de sa vie ? « Nous ne vivons pas dans le même monde ; tu me regardes du fond d’un autre temps… » Du trône de Carmona, sur les barques dans les contrées sauvages d’Amérique, perdu au milieu des foules des révolutionnaires français, il est seul dans un autre monde, tentant avec hésitation à se mêler aux vies qu’il croise, tel un fantôme hantant la surface de la terre. Catherine, Antoine, Béatrice, Charles, Carlier, la douce Marianne ou Armand ne sont malheureusement pour lui que des remèdes temporaires dans sa mort.


Né en 1279 (on remercie déjà qu’il ne soit pas né plus tôt), ces siècles d’expériences à la tête de royaume et d’Empire ou de physicien sont souvent mises à profil des hommes dans leur quête inassouvissable de bonheur et liberté, de pouvoir et nécessité de laisser une trace de leur existence. Ici aussi les questions sont amenées lourdement mais justement dans l’écriture exposant les différentes ébauches de réponses à « A quoi sert une vie ? » ou « A quoi bon ? ». On se lasse tout autant que Fosca devant la persévérance des hommes dans leurs accomplissements et émerveillé dans leur façon de vivre avec tant de passion. Il arrive même de se demander si nous non plus nous ne serions pas immortels, ou pareillement aussi mort que lui.


L’introspection est fréquente pendant la lecture et à la fin du roman, un soulagement est présent dans le fait d’être nous-même mortel et une aigreur tenace quand on en conclut que finalement, tout ça ne sert à rien.


Cela étant-dis, certains passages m’ont paru une éternité (peut-être cela était-il fait exprès) et les questions redondantes. Ces romans précédant à mon goût étaient plus riches et permettaient aussi davantage à s’attacher aux personnages moins éphémères (surement aussi fait exprès) mais dommage que cela soit au prix de l’agréabilité de la lecture.
Je ne sais pas si je me risquerais à recommander ce livre.
Mais bon qui suis-je pour oser critiquer un livre de Simone de Beauvoir.

JustineVerlhac
6
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le 10 févr. 2020

Critique lue 317 fois

Justine Verlhac

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