Critique de Stéphane de AAAPOUm pour les Inrockuptibles
L’utopie fit les beaux jours de la bande dessinée. Il suffisait à l’enfant de parcourir quelques gags de Gaston Lagaffe pour se sentir rassuré en traversant les rues de sa ville. D’un seul coup, même les clochards paraissaient moins malheureux. Or tristement, cette dimension artistique s’est raréfiée peu à peu, écartée par les penchants modernes pour le dramatisme et la gravité. Voila pourquoi les traductions de vieilles utopies étrangères comme les Moomins sont des bonheurs rares : elles ressuscitent cette vocation reine du neuvième art depuis trop longtemps disparue. Cette famille de créatures grotesques et attendrissantes, proto hippopotames vivant benoîtement au creux d’un vallon merveilleux, fut crée par la finnoise Tove Jansson en 1945. Et déjà, à l’époque, leur vocation était d’exorciser l’explosion des mouvements fascistes à travers Europe, en illustrant délicatement la précarité de toute tranquillité. Devenus depuis stars un peu partout dans le monde, et plus particulièrement au Japon où l’on leur voue un culte, ils connurent de nombreuses formes de publication, dont cette splendide bande dessinée en strip et commandée par un grand quotidien anglais au lendemain de la guerre. Finalement, seule la France ne les a jamais véritablement considérés à leur juste valeur, ce qui confère à cette parution en bande dessinée un petit air de découverte sympathique, et l’occasion inespérée de se rattraper.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.