La Forêt qui cache l'Homme
Dans un essai fleuve où les idées progressent naturellement, Jünger tente d'esquisser la figure et les principes qui animent le Rebelle (Waldgänger/Forestier) l'individu qui résiste au monde...
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le 20 sept. 2024
Dans un essai fleuve où les idées progressent naturellement, Jünger tente d'esquisser la figure et les principes qui animent le Rebelle (Waldgänger/Forestier) l'individu qui résiste au monde technocrate et vidée de toute liberté. Les idées passent de l'analyse du suffrage politique, aux attitudes des masses et de l'Homme face au progrès qui l'étouffe, bien que reflet de son temps l'analyse politique dépasse largement le cadre des totalitarismes de la seconde guerre mondiale pour s'appliquer également dans nos démocraties modernes. Jünger y dénonce l'absurdité des rapports de pouvoirs et de l'individu naïf face à l'Etat Léviathan.
Pour retrouver sa liberté, Jünger reprend l'imaginaire de la Forêt dans les mythes pour y dresser une métaphysique de la réalité et le rapport de l'Homme qui cherche à retrouver sa liberté ontologique et non existentielle. Dans une révolte silencieuse et individuelle l'Homme se réfugie dans la Forêt qui devient un lieu supra temporel, surnaturel, spirituel où le courage triomphe du désespoir. L'essai est parsemé d'anecdotes piquantes, de références mais surtout de ces envolées métaphoriques, lyriques et poétiques qui donne au Rebelle une autre dimension et ravissent le lecteur. L'analyse dépasse facilement le cadre spatio-temporel de son auteur pour adopter une vision universelle devenant parfois peut être trop abstraite.
«L’une d’elles est la croyance que l’inviolabilité du domicile se fonde sur la Constitution, est garantie par elle. En fait, elle se fonde sur le père de famille qui se dresse au seuil de sa porte, entouré de ses fils, la cognée à la main. Seulement, cette vérité n’est pas toujours évidente et ne doit pas du reste être invoquée contre la Constitution. La vieille maxime est juste : tant vaut l’homme, tant vaut le serment : ce n’est pas le serment qui est garant de l’homme.»
« Quelle est donc cette question redoutable que le Néant pose à l’homme ? C’est la vieille énigme du Sphinx. L’homme est interrogé sur lui-même : connaît-il le nom de l’être étrange qui se meut à travers le Temps ? Il est dévoré, ou reçoit la couronne, selon qu’il répond. Le Néant veut savoir si l’homme est de taille à lui tenir tête, s’il vit en l’homme des éléments que nul temps ne désagrégera. »
« On voit ce qui pouvait être et ce à quoi il faut s’attendre. Ce qui pouvait être, on ne le discerne plus de nos jours que dans un domaine limité : celui de l’histoire de l’art. Mais l’insignifiance de tous ces travaux, de ces palais, de ces villesmusées, au prix de l’énergie créatrice dans son élan premier : cette idée des Futuristes, quoi qu’on pense d’eux par ailleurs, était juste. Le grand fleuve qui a laissé ces formes derrière lui comme des coquillages ne peut être tari : il continue à couler au fond de la terre. L’homme le découvrira s’il rentre en luimême. Et il marquera ainsi l’un des points où les oasis peuvent naître dans le désert. »
« Il est de fait que les progrès de l’automatisme et ceux de la peur sont très étroitement liés, en ce que l’homme, pour prix d’allégements techniques, limite sa capacité de décision. Il y gagne toute sorte de commodités. Mais, en contrepartie, la perte de sa liberté ne peut que s’aggraver. La personne n’est plus dans la société comme un arbre dans la forêt ; elle ressemble au passager d’un navire rapide, qui porte le nom de Titanic, ou encore de Léviathan. Tant que le ciel demeure serein et le coup d’œil agréable, il ne remarque guère l’état de moindre liberté dans lequel il est tombé. Au contraire : l’optimisme éclate, la conscience d’une toute-puissance que procure la vitesse. Tout change lorsqu’on signale des îles qui crachent des flammes, ou des icebergs. Alors, ce n’est pas seulement la technique qui passe du confort à d’autres domaines : le manque de liberté se fait sentir, soit que triomphent les pouvoirs élémentaires, soit que des solitaires, ayant gardé leur force, exercent une autorité absolue. »
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le 20 sept. 2024
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