J'ai été très surprise de ce que j'ai découvert dans ce livre. Je m'attendais à trouver un roman de voyage, et voilà que j'ai découvert un récit double. D'une part le périple d'un père qui cherche à se rapprocher se son fils, et d'autre part l'exposé de la vie et des idées de Phèdre, dont on ignore encore tout au début du récit.


Je préférerais m'attacher ici à l'histoire de Phèdre, un mec qui pense "out of the box", un enseignant très particulier, mais surtout un penseur à la fois Platonicien, sophiste, bouddhiste et surtout déroutant. Phèdre a tout d'abord buté sur un mot, surgi au détour d'une conversation. La Qualité, avec un grand Q. C'est le point central du roman, l'objet de toutes les réflexions et de tous les maux du héros. Au fur et à mesure du récit, le narrateur, qui n'est pas Phèdre (ou pas tout à fait) nous expose les pensées d'un homme torturé, par l'incompréhension des autres mais aussi par son incapacité à s'adapter au monde. Ils cherchent tous deux, au fil du roman, à approfondir la notion de Qualité. Peut-on (ou doit-on) la définir ? Quel rôle joue-t'elle dans nos relations avec le monde qui nous entoure ? C'est précisément cette obsession qui précipitera Phèdre dans la folie. Il cherchera à démonter les thèses aristotéliciennes, et la majorité des idées des Grands penseurs qui fondent notre conception du Bien et de la Raison.



Nous sommes aujourd'hui submergés par un amoncellement de données scientifiques, rassemblées à l'aveuglette, parce qu'il n'existe pas de schéma directeur permettant de comprendre la création dans les sciences. Nous sommes submergés par un foisonnement de nouveaux procédés pseudo-artistiques, parce qu'il n'existe aucune tentative de renouvellement en profondeur. Nous formons des artistes sans connaissances scientifiques et des savants qui ne connaissent rien à l'art. Ni les uns ni les autres n'ont aucun sens de la spiritualité profonde. Le résultat est abominable. Il est plus que temps de réunifier l'art et la technique.



Il s'imagine répondre aux questions de Socrate dans le Gorgias. C'est cette relation particulière entre Phèdre et les penseurs grecs, teintée à la fois d'admiration et de mépris qui m'aura marquée. J'y ai vu un génie, comme d'autres pourront y voir un fou, ou encore un mégalomane convaincu d'avoir trouvé le sens de la vie.


Pour en revenir aux motocyclettes, et en essayant de ne pas spoiler un livre qui mérite sans aucun doute d'être lu, j'ajouterai enfin que la manière qu'a le narrateur de relier les thèses de Phèdre à l'entretien de sa motocyclette est fascinante. Il m'a semblé comprendre un mal moderne lié à la technologie qui nous habite tous inconsciemment. Celui de la séparation progressive de l'art et de la technique. La Qualité, pour le narrateur, découle de la relation entre l'Homme et l'objet qu'il crée. Si l'Homme se distingue complètement de la chose qu'il crée, cette chose sera de mauvaise qualité. S'il n'y dédie pas du temps, s'il n'y met pas de son âme, de ses échecs et de ses réussites, l'objet n'aura pas de valeur réelle.


Il m'a semblé voir dans ce livre une apologie de la pensée, de l'artisanat, de l'amour et de la vérité. Tout cela réuni sous le doux mot de Qualité.

PoBess
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le 15 oct. 2015

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