Voltaire troll posey dans son canapey : La légèreté contre l'obscurité

Le promoteur du despotisme éclairé n'imagine pas la possibilité de libanisation de la société quand il affirme « plus il y a de sectes, moins chacune est dangereuse » comme si une inflation de contraintes et de tensions ne pouvait en découler. Peut-être car libérer les esprits, du moins ceux du peuple, de l'emprise religieuse n'est pas sa préoccupation ; il raille les conflits entre religions et s'en fait historiographe, mais ne s'intéresse jamais aux nécessités ou aux élans auxquels ces cultes ont répondu. C'est l'emprise du religieux sur le pouvoir qui le dérange. En occidental normalement éduqué et éclairé à outrance du XXe ou XXIe, on est enclin à penser comme lui (c'est mon cas particulièrement lorsqu'il suggère [chapitre 9] que les martyrs sont surtout politiques), ou vouloir croire comme lui (et laisser moisir ces chaînes et phares obsolètes), mais l'approche et l'argumentaire sont aussi [délibérément ?] superficiels que la narration est famélique dans ses contes Zadig et Micromégas.


Je ne peux me défaire d'un sentiment de foutage de gueule en parcourant ces gymnastiques déistes. Il y a trop de propos bizarres (chapitre 21 : « Moins de disputes, moins de malheur ; si cela n'est pas vrai, j'ai tort ») et de jugements gratuits (petit dégueulis en passant sur les égyptiens) pour sortir de ce Traité sans prendre Voltaire pour un charlot ivre de confiance. Il loue la tolérance des juifs dans deux chapitres lunaires, tout en mettant en avant les angles d'attaque pour apparemment les désamorcer : c'est soit un calcul (nécessaire ou simplement intéressant à ce moment de la vie et carrière de l'homme ?), soit de l'ironie si complète qu'on ne sait plus... Le catholicisme est naturellement la cible préférée ; les catholiques seraient les plus ardents et constants persécuteurs, en étant eux-mêmes peu persécutés.


Et puis il y a ce numéro d'équilibriste ou de pseudo puriste, d'un bon sens, d'un libéralisme, mais aussi d'une hypocrisie modernes : toutes les exactions seraient des nuisances à la foi véritable, il faut donc de la parcimonie (chapitre 10) ; il ne faut pas tolérer les intolérants (car ils passent à l'action) ; la superstition est le brouillon de la religion, c'est le moindre mal en guise de 'garde-fou' quand une religion structurée ne remplit pas le vide (chapitre 20 : « les lois veillent sur les crimes connus et la religion sur les crimes secrets »). En somme il est question de dosage, jamais de sens ; il s'agit d'atténuer le poids du religieux, pas de l'évacuer – sauf quand il ne partage pas notre culte de la tolérance (or régner quasiment sans partage depuis des siècles, peu importe la virulence ou le pacifisme de ce règne, revient à être intolérant), comme le catholicisme.


La prose de Voltaire est assez bonne et recevable dans l'ensemble si on est agnostique, religieux 'libéral' ou laïc ; mais le malaise typique pour du 'correct en théorie, bancal en pratique' bat des records ici. Si la chapelle pour laquelle Voltaire se battait avait un nom, ou n'était pas simplement les cours des puissants (pourtant il se moque des modes spirituelles ridicules chapitre 5-6), peut-être que ce Traité gagnerait en sérieux et en vérité – et pourrait plus facilement être attaqué, plus sincèrement être loué. Probablement à l'époque, un traité contre l'absolu (ou pour la société laïque) et l'obscurantisme était pertinent simplement en existant ; aujourd'hui le message est si galvaudé qu'une défense primesautière rend la lecture futile et pénible.


https://zogarok.wordpress.com/2024/02/18/voltaire-traite-tolerance/

Zogarok

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