L'ouvrage restitue plutôt bien pourquoi la question du travail tient une place si importante dans nos vies, aussi bien du point de vue anthropologique que de celui des impératifs capitalistes. Sont également démystifiés les nombreux poncifs libéraux qui entourent la notion de travail, ce qui est toujours appréciable. Est aussi soulignée la limite d'une certaine vision marxiste selon laquelle il suffirait de sortir du mode de production capitaliste pour résoudre tous les problèmes liés au travail.

Le travail est défini dans le livre avant tout comme une relation de subordination entre des individus. Une définition plutôt négative donc, mais qui opère une séparation conceptuelle entre l'activité de production et celle du "travail". Ainsi, même dans une société communiste, le problème du travail (organisation de la production) se pose toujours.

J'aurais tout de même quelques critiques ou pistes de à émettre quand à la deuxième partie du livre, qui expose différentes propositions pour sortir et rompre avec l'aliénation du travail capitaliste.

Premièrement, la décroissance semble être présentée comme un moyen de lutte contre le capitalisme. Or ce dernier peut relativement s'en accomoder: produire moins pour consommer moins, mais pas pour la bourgeoisie. On se souvient du propos récent du gouvernement sur la "précarité sûbie", comme si il en existait une libre de choix, une sorte de sobriété heureuse en somme. La sortie du mode de production capitaliste est un pré-requis nécessaire pour en mettre en place ce genre de politique décroissante.

Dans la même veine, "produire moins pour consommer moins", mais qui produit et qui consomme quoi ? Nous ne sommes pas dans une "société de consommation" où tout le monde sur-consommerait à sa guise. Pour citer le philosophe et sociologue Michel Clouscard: "Il y a une classe qui consomme plus qu'elle ne produit et une classe qui produit plus qu'elle ne consomme". Comment dire à un livreur de pizza (exemple archétypal maintes fois utilisé dans le livre) qui en travaillant bien plus de 35h par semaine n'accède qu'à une infime partie de la consommation disponible, si tant est qu'il arrive seulement à subvenir à ses besoins, qu'il devrait "consommer moins" ? Bien sûr, les différences induites par le rapport de classe sont rappelées à plusieurs reprises dans l'ouvrage mais il est essentiel de garder ce prisme d'analyse en permanence à l'esprit pour proposer une solution réellement émancipatrice collectivement.

Enfin, toujours sur le même thème, comment dire aux pays "du Sud", qui après des siècles de colonialisme et de néo-colonialisme, qu'ils devraient adopter une logique "décroissante" ? Le "nous" employé est en ce sens assez vague.


Sans rentrer dans le débat sur le revenu universel, il faudrait à mon sens plutôt mettre l'accent sur la façon de mettre en place un projet radical de rupture avec le capitalisme.


Lecture stimulante au demeurant et qui offre des pistes de réflexions sur la manière d'organiser la production au dedans et en dehors du capitalisme.

Bitz
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le 19 févr. 2023

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