Ayant lu 3 livres de Mr. Dick avant d’entamer Ubik, j’avais ma petite idée de ce que j’allais y trouver. Ces 3 livres sont :
- Le recueil de nouvelles Souvenirs qui était plutôt cool dans le genre mind-fuck SF mais aussi très intéressant (ne serait-ce que pour le texte théorique sur le nazisme) ;
- Le Maître du Haut Château à propos duquel je soupçonne Dick d’avoir fait exprès de décéder pour nous laisser ce goût d’inachevé plein d’interrogation !
- Substance Mort qui parle de drogue en connaissance de cause, presque comme le ferait un toxico en bad trip, car en effet Dick a lui-même connu des amis morts de ce fléau (voire la liste à la fin)
Donc Philip K. Dick est en résumé un auteur passionnant qui questionne sans cesse notre rapport à la réalité, mais aussi parle de sujets et thématiques bien réels (si le mot signifie encore quelque chose après la lecture – que dis-je le voyage – d’Ubik) et l’on s’amusera autant à essayer en vain d’élaborer des théories pour expliquer certaines de ses histoires alambiquées, que l’on s’interrogera quant aux messages qu’il souhaite faire passer.
Ubik est un chef d’œuvre.
Voilà ça, c’est fait.
Maintenant on peut parler de l’univers dépeint dans ce roman. D’abord, l’histoire se passe en 1992 soit 23 ans après la publication de Ubik mais cela n’est pas très important si ce n’est qu’on peut se dire – maintenant que l’on peut – que Dick a largement surestimé l’espèce humaine en termes de technologie mais pas de cupidité. Eh oui, si vous voulez sortir de chez vous, votre porte vous exhortera via son vidphone à la payer, pour qu’elle s’ouvre. Et cela s’applique à pratiquement tout. Ensuite, une innovation qui deviendra centrale dans le récit : les moratoriums dans lesquels les vivants peuvent s’entretenir avec les morts cryogénisés dans des cercueils prévus à cet effet. Enfin, la dernière principale caractéristique de l’univers est que certains individus sont doués de pouvoirs extrasensoriels (il y a même des précogs comme dans Minority Report) et d’autres sont anti-psis c’est-à-dire qu’ils peuvent annuler les pouvoirs de ceux qui en ont. C’est pourquoi il existe des sociétés de protection employant des personnes dotées de pouvoirs anti-psis pour protéger les particuliers ou entreprises contre des intrusions de télépathes. On suit alors un évaluateur d’une de ces sociétés (Runciter Associates du nom de son dirigeant Glen Runciter) répondant au nom de Joe Chip. Un recruteur lui envoie alors la jeune Patricia Conley aux pouvoirs temporels dangereux. Runciter se voit offrir un contrat juteux avec un homme d’affaire sur la Lune. Il soupçonne la présence de Hollis, un télépathe puissant et hors-la-loi mais charge Joe de sélectionner 10 agents anti-psis et de venir avec lui sur la Lune pour honorer ce contrat. Mais c’était apparemment un piège et Runciter se « fait tuer » dans une explosion. Ceci n’est pas vraiment un spoiler puisque c’est à partir de là que l’histoire commencer à partir dans tous les sens et l’on pourrait la résumer à ceci : « Qui est mort ? Qui est vivant ? Qu’est-ce qu’Ubik ?»
200 pages après la mort de Runciter, on en ressort ébahi et on se pose des milliers de questions telles que :
1) Mais qu’est-ce que je viens de lire !?
2) Qui est mort ? Qui est vivant ? Qu’est-ce qu’Ubik ?
3) Quels sont les messages ?
4) Comment critiquer ce machin ?
Je pense qu’il faut tout de même saluer le message anti-capitaliste dans le début de l’intrigue, il est bien réel. Tout est payant, ce n’est pas innocent.
Ce qui est génial avec Ubik c’est qu’il nous fait délicieusement tourner en bourrique sans nous faire perdre le fil une seule seconde (si l’on se conforme au mode d’emploi) et il en faut du talent pour cela.
Malgré cette fin pour le moins déconcertante on est satisfait après la lecture de ce roman aux multiples facettes, bien écrit (l’écriture est simple et limpide mais permet un certain attachement aux personnages ainsi qu’une description qui laisse de la place à notre imagination) et qui est la preuve s’il en est que Dick a parfaitement compris ce à quoi servait la SF : parler de tout et n’importe quoi !