Le roman est assez pénible dans sa lecture au premier degré : une mère et ses 2 enfants tentent tant bien que mal d'exploiter une petite concession de l’Indochine française achetée avec toutes les économies familiales. Mais les vagues du Pacifique viennent annuellement saper tout espoir de tirer quoi que ce soit de cette terre maudite et la famille vivote entre oisiveté et ennui profond, persuadée que la vie elle-même les a condamnés, guettant la moindre opportunité de s'arracher à cette vie de misère qui leur semble promise.

Le premier tiers du roman est assez indigeste, Duras cherche à nous faire ressentir la vacuité, l'ennui colossal des 3 colons dans leur bungalow de fortune, la malédiction de l'amour qu'ils se vouent et de la fierté qu'ils leur reste qui les empêche de fuir lorsqu'ils en ont l'occasion.
Et elle est douée, Marguerite : on s'ennuie ferme, tellement que j'ai failli abandonner, ça sentait trop le fatalisme aliénant et le roman « déprime » sans nuances ni salut.

Mais le séjour à la ville fait entrer le roman dans une autre dynamique, l’effervescence de Ram se ressent jusque sur nos 3 lascars qui entrevoient de nouveau l’espoir d’une vie plus clémente et on comprend alors que Duras a tout mis en scène pour caler son roman sur le rythme des « aventures » de ses personnages : la pesanteur de la campagne isolée et désolée d’un côté, la vie grouillante des bas et hauts quartiers et son dédale de possibilités de l’autre.
La fin du roman, entre amour filial et besoin de vivre est assez intéressant bien que se soldant de façon assez abrupte.

Au-delà de cette histoire basique et de ce style littéraire relativement dépouillé se dessinent heureusement en filigrane quelques jolies idées développées par Duras à l’aube de cette nouvelle ère qui s’ouvre après la deuxième guerre mondiale.
L’idée d’un monde dans lequel en cohabiteront toujours plusieurs : un monde de puissants, corrompu, sans valeurs (on se trompe, on boit, on se drogue, on s’arnaque) et fastueux à l’abri des lames de fond et celui des honnêtes gens condamnés à voir leur liberté circonscrite à ce que les premiers veulent bien leur concéder, soudés par l’adversité et en proie à des vagues que leurs barrages ne sauraient maîtriser. L’idée aussi, que pour les honnêtes gens, le salut vient parfois au prix d’un renoncement de ses valeurs et de ses attaches (Joseph) quand d’autres n’auront pas la force de ce renoncement (Suzanne) ou l’opportunité d’un choix (la mère, les autochtones).
Cette violence sociale là, qui transpire en filigrane, est réellement intéressante.


Au final, Duras écrit l’histoire d’un combat contre la fatalité d’une certaine condition humaine qui semble déferler inexorablement, elle décrit les barrages qui cèdent, les bouées de sauvetage, ceux qui s’en sortent, ceux qui périssent. Un beau roman légèrement sabordé (pour ma part) par une écriture singulière, parfois clairement déroutante qui n’apporte pas grand-chose au propos et impose des longueurs sans lesquelles ce barrage contre le Pacifique ne se serait pas plus mal porté.
Ouaicestpasfaux
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le 25 sept. 2014

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Ouaicestpasfaux

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