Ma première impression après avoir lu la pièce fut de me dire que cela ressemble à du Tchekhov mais un Tchekhov pas en forme, pas en jambe. Cette fausse analyse oubliait un peu vite que presque un demi siècle séparait Ivan d'Anton. Ce serait comme juger H. G. Wells à l'aune de Philip K. Dick. Comparer le précurseur au maître. L'inventeur au virtuose. Le premier coureur au recordman.
Alors qu'il y a tant de trouvailles dans ce mois à la campagne, tant de détails qui en font un texte majestueux, peut-être même supérieur, dans la comédie, à la Cerisaie. Et c'est ainsi que je retombe dans mon travers initial.
Les personnages pris dans ce psychodrame amoureux peuvent paraître ridicules par leur intransigeance vis-à-vis du sentiment mais c'est pourtant comme cela que l'on s'imagine réagir les gens considérés comme biens. Beliaïev et Rakitine s'en vont, Natalia Petrovna épargne son mari, il n'y a que cette pauvre Verotchka qui se laisse déborder par son tourment pour finalement s'engager dans n'importe quoi. Et peut-être pas, lorsque l'on veut s’échapper il faut trouver une solution de repli.
Que ce qui en tout point ressemble au profond tragique de l'existence soit estampillé comédie en dit long sur les névroses des lecteurs et des spectateurs. Personnellement je n'ai pas ri, j'étais absorbé par ma compassion, mon empathie pour ces personnages qui ont dû certainement exister un jour au fin fond de la Russie.
Pour conclure, une pièce dont je comprends l'estime que certains lui portent. Une œuvre mythique qui voulait sûrement démontrer l’imbécillité de ceux qui possèdent un trop plein d'honneur ce qui moi me les rend éminemment sympathique et touchant.
Samuel d'Halescourt