Ce livre, j'en avais très vaguement entendu parler en librairie, tout au plus avais-je vu sa couverture et celles de ses suites au rayon ado (ce qui mettait la puce à l'oreille, quand même). Puis il y a peu, une personne de mon entourage particulièrement friande de ce genre d'histoire, à savoir :

— beaucoup de romance sous un emballage de fantasy

— une narratrice "forte et indépendante"

— un ou plusieurs bg

— une histoire... bref, on y reviendra

m'en a parlé. Et après un rapide résumé de sa part incluant les suites (elle en était au tome 3), j'en suis très rapidement arrivé à la conclusion que si je venais à lire ce livre, je le détesterais du début à la fin. Du coup, je l'ai lu.


Ce que je vais dire va peut-être paraître élitiste, mais peu importe, c'est mon avis : au même titre qu'on cherche l'excellence, il est parfois bon de se tourner vers la médiocrité, ne serait-ce que pour équilibrer la balance et apprécier davantage ladite excellence. Si t'as pas compris, j'ai pas aimé.


D'ailleurs, juste avant de commencer à le lire, je suis allé lire quelques critiques (négatives, puisque je suis un p'tit troll) qui n'ont fait qu'ajouter du poids quant à ce à quoi je m'attendais. Et après j'ai lu.


Le début, je dois avouer, et assez engageant. L'univers miroité est attrayant, dans son aspect conte de fées / dark-fééerie (ça m'a fait beaucoup penser aux éditions lèveciel/sombreciel pour ceux qui connaissent Magic The Gathering), faut dire que c'est pas un univers qu'on a l'habitude de voir dans de la fantasy (c'est pourquoi mon 1/10 est un vrai 1/10, pas un 0/10).


L'histoire par contre ne réinvente pas la roue : Feyre est une jeune femme sans le sou qui nourrit sa famille (comprenant ses deux sœurs ainées et son père) en chassant. Un jour, elle élimine par erreur (enfin pas vraiment, mais bon) un loup géant qui se révèle être un fae, un être multi-centenaire qui est censé être monumentalement puissant. Après l'avoir écorché pour vendre sa peau (elle s'en fout si c'est un fae ou pas, et si c'en est un tant mieux, elle les déteste), voilà qu'elle reçoit la visite d'une grosse bestiole poilue et cornue qui lui dit qu'elle vient de tuer son ami et que ça va chier sévère. Ainsi, Feyre est emportée dans le monde de la bestiole - Tamlin pour les intimes -, c'est-à-dire de l'autre côté d'un grand mur qui sépare les humains des faes, et retenue prisonnière dans son palais (car la bestiole est en réalité un homme en apparence de son âge, masqué mais très musclé, donc une paire d'abdos parlants). Toutefois, Tamlin précise qu'elle n'est pas prisonnière mais entièrement libre de ses actions (mais elle a quand même pas le droit de partir, attends oh dis eh). Et à partir de là...

À partir de là, il se passe mon plus grand reproche à ce livre.


Dans de nombreuses critiques, j'ai lu que UPER (le titre si t'as pas compris) était malsain dans le sens où il glorifiait et rendait sexy la violence et l'abus sexuels. C'est effectivement vrai, mais pour ma part, ce qui m'a le plus dérangé, c'est qu'il ne se passe strictement rien dans ce livre, livre qui fait quand même 500 pages (et s'emmerder pendant 500 pages, c'est long).


!!! Spoilers à partir de là !!!


Je m'explique : pendant une grande partie de l'histoire, Feyre reste au palais de mister abdos parlants à se balader, à ignorer les avertissements de celui-ci quant aux dangers hors de son enceinte (fEmMe FoRtE Et IndÉpEndAnTe rohlala) mais revient chialer parce qu'elle a été attaquée par un monstre (le gars vit là depuis des siècles, quand il dit que c'est dangereux, il sait un peu de quoi il parle) et à tomber progressivement sous son charme, ainsi que celui de ses muscles (l'auteure ne peut s'empêcher de rappeler toutes les deux pages que Tamlin est musclé et sûrement beau à crever sous son masque), son côté torturé (haha) et surtout les caisses d'or qu'il envoie à la famille de Feyre par paquets de douze (forcément, il est beau ET riche). Et malgré le fait qu'à un moment il tente de la violer dans un état second (et lui demander de s'excuser après coup parce que bon, quand même, pourquoi tu passais par là à ce moment-là (#unhommeunvrai), ils finissent par tomber dans les bras l'un l'autre, s'embrasser (en étant ivres, bravo) et trinquer du nombril. Voilà donc ce qui se passe pendant 300 pages et qui pourrait tenir largement sur 40, parce qu'est-ce que tu crois que pendant ce temps l'auteure te balance du lore ? Que dalle !


C'est ça le plus gros défaut de ce livre en fait, il est d'une paresse gargantuesque. Quelques exemples pour le prouver :

— très peu de descriptions. Je suis le premier à dire que trop de description c'est chiant, mais quand y'en a pas assez, c'est pas bien non plus. La description, c'est un moyen de montrer tes talents d'écrivain, d'imposer ton style, voire d'étendre un peu ton intrigue, non ? Ici, tu peux t'asseoir sur tout ça

— la carte du monde est un calque bête et méchant des îles britanniques, qui est en plus mal fichue : l'île principale (Grande Bretagne) est divisée en sept cours. Quatre sont nommées selon les quatre saisons (ok, pourquoi pas), mais les trois autres, comment les nommer pour garder un semblant d'équilibre onomastique ? Nuit, jour et aube (et le crépuscule ?), du coup il y a un problème sur les noms (pourquoi t'as pas inventé ton propre zodiaque par exemple ?). On m'a dit aussi qu'avec le mur qui sépare les humains des faes, la carte a exactement la même organisation que celle du Trône de fer (j'ai pas lu, j'en ai rien à fiche, mais ça rajoute du poids à mon propos)

— à un moment, Feyre doit se rendre d'un point A à un point B qui correspond à peu près à la distance Cardiff-York, soit environ 400km, à pieds. Elle arrive à destination en moins d'un jour, et l'explication c'est que "elle a pris un raccourci magique" (véridique). Normalement, le "ta gueule c'est magique" ça marche dans les JdR et les parodies, mais ce livre n'est ni l'un ni l'autre

— vers la fin, Feyre doit accomplir trois épreuves censées être impossibles à accomplir, et par trois fois elle reçoit une aide extérieure sans laquelle elle n'aurait pas réussi (fEmMe FoRtE Et IndÉpEndAnTe mais qui a quand même besoin qu'on l'aide, attends, faut pas déconner non plus)


Le pire du pire réside dans le personnage de Rhysand, qui est un immonde petit connard imbu de lui-même, misogyne et cruel, mais puisque "cet homme était le plus beau de tous ceux que [Feyre] avait pu voir" (sic), forcément ça l'excuse automatiquement. Alors que le type :

— sacrifie un de ses sujets avant d'envoyer sa tête à Feyre et Tamlin pour montrer qu'il est méchant

— va brûler une famille entière d'humains parce qu'il croit que Feyre en fait partie

— s'accapare Feyre chaque soir pour la déshabiller, faire du body-painting, la droguer, la forcer à danser de manière sensuelle devant un paquet de monde, puis profiter de son état second pour la tripoter (et il fait ça parce qu'il "s'ennuie", ce sont ses mots à lui)

— lèche les joues de Feyre pour sécher ses larmes (il la lèche comme on lèche une glace, je n'invente pas).

Il aurait été un méchant jusqu'au bout, ça justifierait son comportement : c'est un connard faisant des choses de connard, ok, c'est un ennemi. Mais non, l'auteure le présente comme "moralement gris", et ce UNIQUEMENT parce qu'il est trop trop beau (je n'invente rien non plus, c'est vraiment la seule raison de le pardonner, et en plus c'est même pas dit explicitement, genre l'auteure l'assume pas trop). Sachant que le personnage d'Amarantha, qui est la méchante de l'histoire et qui a à peu près le même comportement (et qui est magnifique aussi, forcément), n'est jamais cataloguée de "moralement grise", c'est à se demander ce qui se passe dans la tête de l'auteure (probablement qu'il y a un singe qui joue des cymbales, allez savoir).


Mais la petite cerise qui fond dans la bouche, ça reste quand même le "plot-twist" qui intervient aux deux-tiers du livre. Car finalement, pourquoi Tamlin capture Feyre avant de lui déclarer qu'elle est libre de ses mouvements ? Pourquoi diable porte-t-il un masque ? Eh bien en fait c'est très simple, laisse-moi te l'expliquer avec une scène d'exposition ultra-flemmarde à base de personnage qui te raconte l'intrigue : en fait, Amarantha la méchante a lancé une malédiction sur la cour de Tamlin, ce qui fait qu'il perd une partie de ses pouvoirs et ne peut plus retirer son masque. Il a alors 49 ans pour la briser, et pour cela il faut :

— qu'un fae aille de l'autre côté du mur, chez les humains

— qu'il soit tué volontairement par une humaine

— que cette humaine déteste les faes

— que Tamlin l'emmène chez elle

— qu'il en tombe sincèrement amoureux

— qu'elle l'aime sincèrement en retour

Ce qui fait six conditions, qui parviennent toutes à être remplies (ça alors !). Et pour cela, chaque jour, Tamlin envoyait un de ses sujets de l'autre côté du mur pour servir d'agneau sacrificiel. Car s'il n'y parvient pas, il sera amené dans la cour d'Amarantha pour servir de godemichet vivant (oui oui, c'est pas dit avec ces mots-là mais en gros c'est ça).


Donc Tamlin, pour briser cette malédiction, envoie régulièrement un de ses sujets (et ami, accessoirement) pour qu'il se fasse défoncer par une humaine, avant de formater celle-ci pour qu'elle tombe dans ses bras. Je ne sais pas si c'est de l'amour, mais si c'est le cas il est loin d'être sincère (du côté de Tamlin en tout cas).

Quand Feyre apprend ça, je me suis dit qu'elle allait gueuler, le maudire pour l'avoir honteusement manipulée, avant de retourner chez elle et le laisser crever dans une mare de sécrétions sexuelles (pas forcément venant de lui, hein), mais non, elle se dit qu'il a dû êTrE trOp tOrTurAY pOuR prEndRE cETte dAYcIsiOn pÔvrE chOU.

Mais que... Quoi ? T'es sérieuse, abrutie ? Le mec a envoyé à la mort un de ses amis avant de te séquestrer (je rappelle que même s'il lui dit qu'elle est libre, elle ne peut pas partir du palais) et déployer ses charmes et sa fortune dans le seul but que tu rampes à ses pieds et pensant très fortement à son braquemart entre tes cuisses (c'est dit dans le livre, pas avec ces mots-là mais dans l'ensemble c'est ça), chose qui arrive d'ailleurs, et au lieu de te révolter parce que c'est quand même pas très cool, tu dis que tu l'aimes toujours et que tu veux aller le sauver d'Amarantha ?


En fait c'est plutôt ça le plus gros problème de ce livre (oui je sais je change beaucoup mon fusil d'épaule, mais plus j'avance dans cette critique et plus je trouve le livre aussi idiot qu'incohérent), c'est l'aspect romantique qui est tellement mal branlé et pas crédible que même un porno n'en voudrait pas. Et ça a été vendu là-dessus, sur le fait que c'est une romance dans un univers de fantasy doublée d'une réécriture de la Belle et la Bête (qui est aussi une histoire d'amour). Mais comme bien souvent dans ce genre d'histoire, l'auteure a confondu amour et désir. Et si l'aspect principal du livre est foiré, comment tu veux que le reste tienne la route ?


J'ai pas lu les suites, mon seuil de tolérance n'allait pas aussi loin, mais je me suis quand même un peu renseigné dessus (notamment grâce à cette critique, assez drôle malgré son sérieux), et surprise ! Dès le tome 2, Tamlin devient un méchant (du coup là c'est assez logique vu ses agissements et son comportement dans le 1) et Rhysand un gentil, démarrant même une histoire """d'amour""" avec Feyre (que, quoi ? Après tout ce qu'il t'a fait ? Il t'a droguée, léchée, séquestrée, humiliée en public, et tu lui pardonnes ? T'es conne ?! Et l'autre connard qui s'imagine qu'en faisant des yeux de merlan frit ça va le rendre moralement gris et excusable, t'es encore plus débile que Feyre ma parole !)


Miss Maas, que ce soit clair :

— faire preuve de flemme en développant un univers de fantasy, c'est inadmissible

— pardonner les crasses d'un gars juste parce qu'il est beau, c'est inacceptable

— coucher sur papier tes fantasmes dans le but de les vendre, c'est intolérable

— érotiser des relations toxiques et pardonner des actes à la limite du viol sous prétexte que leur auteur est beau comme un dieu, c'est irrecevable


Messieurs-dames les éditeurs américains, il serait peut-être temps de vous réveiller et d'arrêter de publier des textes se revendiquant romantasy (mon dieu, ce mot existe maintenant >_<) mais n'étant rien d'autre que des fantasmes sexuels avec vaguement de la magie en arrière plan, sous prétexte que c'est inspiré du Trône de fer


Messieurs-dames les éditeurs français, ce n'est pas parce que ça a marché aux États-Unis que c'est un gage de qualité


Messieurs-dames les lecteurs (et surtout les défenseurs chevronnés de Miss Maas), ouvrez les yeux et ayez un peu de recul, vous valez mieux que ça


J'ai mal à mon imaginaire

Random_23
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le 13 déc. 2024

Modifiée

le 15 déc. 2024

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