Henning Mankell a rendu l'âme il y a quelques jours en nous léguant une œuvre pléthorique, riche de vingt-sept romans, sept livres pour enfants, vingt-six pièces de théâtre et une autobiographie. Inutile de dire que l'écriture coulait dans les veines de l'auteur suédois qui noircissait des pages à profusion. Dans cette œuvre luxuriante, Un paradis trompeur restera comme l'avant-dernier roman publié par l'écrivain ; un roman fort, dense, et édifiant.
Lorsqu'elle est forcée de quitter sa famille puis sa Suède natale pour se rendre en Australie, Hanna est à cent lieues de se douter de ce que la vie lui réserve ; elle est alors loin de s'imaginer riche et à la tête de l'un des bordels les plus en vue du Mozambique. Nous sommes alors en 1903 et Hanna, âgée d'à peine dix-huit ans, vit dans le froid et l'indigence. Pourtant, deux ans plus tard, elle sera bel et bien fortunée, tenancière d'un lupanar et vivra sous le soleil ardent de l'Afrique. Elle aura également eu le temps de se marier et d'être veuve deux fois. Mais les comportements coloniaux des Blancs à l'endroit des Noirs font qu'elle ne se sentira jamais à l'aise dans cette nouvelle vie, malgré son opulence. De plus, allant à l'encontre de ces comportements, elle s'attirera à la fois la défiance des Blancs et des Noirs, ce qui ne facilitera pas son intégration. Dès lors, que faire ? Rester ou partir ?
Dans ce roman, Henning Mankell dresse un portrait peu reluisant du colonialisme, source selon lui de racisme, d’esclavagisme et de maltraitance ; difficile de lui donner tort ! Il met également en exergue la difficulté pour une âme dotée d'humanisme de cautionner et de vivre dans une colonie. Il nous expose cela d'une main de maître au travers une histoire touchante, servie par des personnages hauts en couleurs. Il est rare que je pense cinéma en lisant un livre, mais celui-ci ferait un excellent film, à n'en pas douter.