Les Malheurs de Gabbie (featuring Christian Grey)

Danielle Steel est un nom qui m'évoquait vaguement quelque chose, mais je l'associais plutôt à des romans de gare vite lus, vite oubliés. Il s'avère que cette sympathique (j'imagine) septuagénaire est spécialisée dans le domaine des histoires à l'eau de rose, qu'aucun qualifierait de "Harlequin". C'est donc sans grandes attentes que j'ai attaqué ma lecture, et j'ai été surpris dès l'intro du livre.

On pourrait s'attendre à un ton plutôt guilleret dans ce genre de récit, mais Steel nous prend à contre-pied en commençant par nous décrire, assez crûment, des scènes de violences sur un enfant qui n'en demandait pas tant. Gabriella grandit aux côtés d'une mère qui lui voue une haine infondée, ce qui lui occasionnera plusieurs expériences de mort imminente et un séjour aux urgences en à peine 9 ans de vie. La gamine n'est pas aidée par son père, lâche et alcoolique, qui finit par quitter le navire et la laisse aux mains de son bourreau.

Grosse ambiance donc, un peu pesante même vu que je sortais tout juste de J'avais douze ans qui traite d'inceste et que j'espérais une lecture pas prise de tête pour enchaîner. Qui peut s'asseoir à la table de Danielle Steel et dire "Mon histoire d'amour de 400 pages contient un quart de sévices sur une fillette." ?

Mais, là où le bouquin est formidable, c'est que la mère finit par abandonner la gamine au couvent. Et là, on fait un grand écart et on bascule dans le récit romantico-religieux kitsch bien niaiseux, bien rose bonbon, au point où tout ça paraît être une parodie. Mais même pas, c'est clairement écrit au premier degré.

Et putain, c'est hilarant tous les clichés que le bouquin enfile comme des perles. Si vous voulez savoir avec qui l'héroïne va baiser (parce que spoiler, elle ne va pas rester bonne-soeur toute sa vie), vous n'avez qu'à lister les personnages dont Steel décrit la couleur des yeux. C'est inratable, n'importe quel random qui a les yeux sombres et profonds ou bleu étincelant, Gabriella se le tape sans une once de vergogne. Il y a du potentiel pour un jeu à boire !

Et, vu que Steel semble constamment hésiter entre le drame et la romance, chaque arc narratif se conclut en tragédie grecque. Et vas-y que je baise le curé local qui se suicide à cause de moi,, et vas-y que je perds mon emploi en défendant une petite fille, et vas-y que mon meilleur ami a un "accident", et vas-y que mon nouveau keum est un gigolo qui m'extorque de l'argent… On passe du chaud au froid constamment, et cette cruche de Gabriella garde le sourire, même après une fausse couche et un suicide, elle va sucer un inconnu même pas 3 mois plus tard.

C'est tellement con que je me suis tapé des barres de rire tout seul dans le tramway. Je veux absolument faire une adaptation de ce bouquin, la Sainte-Nitouche qui sourit à la vie et qui se fait tringler dans tous les sens (c'est dit explicitement !) par les pires mecs possibles, c'est digne d'un porno.

Est-ce que c'est significativement plus débile qu'un autre roman d'amour ? Je ne sais pas, peut-être qu'un bête concours de circonstances m'a juste fait voir le côté ridicule de la chose, mais quel cerveau malade a pu penser qu'un bouquin qui commence sur le thème des violences intra-familiales de façon aussi frontale pouvait dériver oklm vers une parodie de Twilight avant l'heure ? A moins que ce ne soit du génie, un troisième niveau de lecture que je n'ai pu déceler, et dans ce cas Danielle Steel mérite sa place au Panthéon des grands auteurs de notre temps, aux côtés de Jordan Bardella et Inoxtag.

Si vous aimez les ascenseurs émotionnels, vous en aurez pour votre argent. C'est une drogue dure comme l'acier !