Stross n'est pas un auteur facilement accueilli en France.
Et la, vous allez penser que je vais faire mon pédant. Oui et non.
Si sa série la Laverie bénéficie du soutien "geek", c'est bien au prix d'une barrière pour le lecteur lambda non familiarisé au Mythos et là oui, il y a bien une sorte d'élitisme.
Mais les princes marchands c'est tout le contraire : des idées originales dont les conséquences sont exploitées pas à pas, méthodiquement, à travers tout un réseau d'intrigues. On se croirait dans une bonne "série" façon Netflix, dont les enjeux montent constamment de livre en livre.
Bref de la bonne SF somme toute classique : un postulat de départ imaginaire mais qui nous questionne sur la réalité. Un show qui gratouille.
Alors pourquoi cet échec en France ? Difficile a expliquer. Peut etre un défaut de ciblage : c'est bien de la SF "dure" et non de la fantasy. Tout en ayant pas les attraits superficiels de la SF (chrome, néons, vaisseaux).
En ce qui me concerne, j'ai accroché des le début : l'univers dans lequel est projeté Miriam est tout de suite intriguant. A travers une foule de détails, linguistiques, matériels, on est réellement projeté dans un monde décalé, dont on essaie de reconstituer, tout comme l’héroïne, la nature : l'endroit ou l'histoire à dérapé. Et cette culture étrangement décalé est un vrai régal anthropologique.
Loin de retomber, la mayonnaise monte lorsque Miriam (et donc nous aussi) découvrons touche par touche l'organisation de ma famille, l'étendue de son influence, et comment elle a construit sa fortune a travers la relation à notre monde.
C'est la qu'est tout l’intérêt du roman, d'ailleurs parfaitement restitué dans l'introduction (et du coup, je m'étonne encore plus que beaucoup de lecteurs n'aient pas été sensibles a cette dimension, qui n'est même pas mentionnée) : ce qui se passe quand un groupe issu d'un monde moins développé entre en contact avec le notre et comment il en tire une rente qui a des conséquences délétères. Mais pas que, parce que justement, la famille est aussi divisée entre conservateurs et progressistes, ces derniers à la recherche d'un modèle sortant de la prédation pour asseoir le pouvoir qu'ils ont conquis. Un peu comme si Pablo Escobar était doublé par un cousin investissant ces fortunes dans la développement du Mexique (ou directement chez mes Gafam)
Enfin, sans révéler l'intrigue, le roman oppose une trame de relations toujours sur le point de dégréner, à des enjeux presque cosmiques, avec la découverte sans cesse de nouveaux mondes alternatifs et de nouveaux enjeux.
Bref, pas d'ambition littéraires certes, mais un concentré d'idée bien développées et mises en scènes, qui nous tiennent en haleine. Une série qui aurait mérité un bien meilleur accueil.