Mon père a offert ce bouquin à ma compagne. J'ai d'abord cru qu'il s'agissait d'une bande dessinée, en raison de son format spécial, et de sa couverture. Mais c'est un roman illustré. Passons justement les illustrations qui interrompent inutilement la lecture.


Ce polar est écrit à la première personne. On entre dans la tête de Dolly Dillon, un américain ordinaire des années 50, qui trime pour s'en sortir, dans un environnement sordide, rempli de gens tous plus minables et mesquins les uns que les autres. Son job médiocre de représentant de commerce, pour une entreprise dirigée par un patron imbuvable, le mène un soir à démarcher une vieille dame acariâtre, et qui n'hésite pas à vendre les faveurs de sa nièce Mona pour s'offrir quelques articles de Dolly. Mais Dolly s'éprend de la jeune femme, et refusant de la toucher, lui promet de la sortir de là. Lorsqu'il détourne l'argent de la caisse pour rembourser les articles échangés contre les "services" de Mona, les ennuis commencent. S'ensuit une descente aux enfers...


Du moins, c'est la première version de l'histoire que Dolly nous raconte. De chapitres en chapitres, Dolly revient sur certains détails, ou carrément sur l'histoire en entier, pour la reformuler, et la tourner favorablement pour lui. Et c'est un esprit plein de contradictions qu'on découvre peu à peu. Un esprit sanguin, qui se perd, déraille. On découvre que Dolly s'éprend vite des femmes qu'il rencontre, et il se fait des films. Dolly en devient progressivement paranoïaque, violent, criminel...


Jim Thompson se sert d'une écriture simple et sans détours, pour donner vie à Dolly. Celui-ci s'adresse à nous, et tandis qu'au début du roman, j'ai bu ses pensées sans méfiance, la narration est si naturelle que je me suis rendu compte bien tard qu'il se servait du lecteur pour justifier ses agissements, de plus en plus discutables. Pour finir de nous surprendre, à chaque fois que j'étais accroché au suspens de l'intrigue que je croyais suivre avec perspicacité, l'auteur produit les retournements de situation les plus improbables. Thompson achève la descente aux enfers magistralement, dans une confusion totale de l'esprit de Dolly, concrétisée par une figure stylistique bien choisie.

jaythrotule
7
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le 11 juin 2015

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