Bienvenue au goulag
Une journée type dans un camp de travail du zek (prisonnier) Ivan Denissovitch Choukhov, du lever au coucher, entre courbatures, travaux forcés, entraide entre forçats et maigres repas. La grande...
Par
le 3 oct. 2012
15 j'aime
J'ai découvert Soljenitsyne par le biais de son immense Archipel. Et pourtant, le monde a découvert cet auteur grâce à Une journée d'Ivan Denissovitch lorsque le roman avait été publié dans la revue Novy mir en 1962 en pleine déstalinisation en URSS. Et cet ouvrage est substantiellement plus accessible que celui qui lui succédera. En effet, point de recherche d'exhaustivité au sujet du Goulag ici, on ne se concentre que sur une seule journée d'un Zek (détenu du Goulag).
Néanmoins, lire ce livre après l'Archipel, après le Chêne et le Veau, ne le rend que plus savoureux. Parce que l'on sait. On connait. On a tout lu en détail sur le Goulag dans l'Archipel, et dans le Chêne et le veau, on apprend tout des circonstances de la publication de ce roman. Car même si Staline avait disparu, il n'était pas aisé de publier un tel livre en URSS. La manuscrit a d'ailleurs subi quelques coupes et le titre a changé. Passant de CH 854 (matricule de Chatov, le fameux Ivan), au titre que nous connaissons tous. C'est ainsi que nous savons d'emblée que le style littéraire ici, est celui d'un moujik. Chose qui avait immédiatement frappé Tvardovski, le directeur de la Novy Mir à l'époque. Une plume à même de servir l'idéal ouvrier de la société socialiste. Et chose intéressante, la traduction ne perd rien de ce style. Ainsi, les fautes de syntaxe sont légions (de nombreux "malgré que" et autres joyeusetés). Ce caractère n'a pas été atténué par les traducteurs et cela est salvateur, car ce ton nous rapproche du personnage principal, qui n'est pourtant pas le narrateur.
Car oui, notre Chatov avant d'être envoyé au camp, était un modeste agriculteur, qui avait même connu les champs avant l'irruption des kolkhozes (qui ont couté la vie à son cheval). On est frappé par la richesse de ce personnage, qui essaye tout d'abord d'échapper à une journée de dur labeur par moins 27 degrés Celsius, avant de s'y résoudre. Il développe des trésors d'ingéniosité pour survivre et supporter tant bien que mal sa peine. Ainsi, la précision clinique dans la description des repas pris par les zek est assez marquante. Où comment nous est enseignée la technique pour bien racler la kacha avec un morceau de pain. Enfin, la foi de ce personnage contraste tellement avec cette société soviétique qui avait mis la religion sous cloche. Sa croyance dans les nouvelles lunes est sur ce point assez touchante.
Ce livre est également rempli d'humour, avec des personnages hauts en couleur. Comme ce commandant qui débat de la qualité des films d'Eisenstein avec un autre détenu. Ou la façon qu'ont tous les Zek d'insulter un retardataire à l'appel du soir.
Mais sous l'apparente banalité de cette journée, c'est bien l'horreur du système concentrationnaire soviétique qui apparait, sans crier gare. L'auteur précisant que toutes les anecdotes livrées dans son livre sont réelles. Que les personnages le sont tout autant. On en prend pleinement conscience à la dernière page, lorsque la durée de la peine de Chatov nous est donnée en toutes lettres, trois mille six cent cinquante trois jours, avec trois en bonus à cause des années bissextiles.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleurs livres écrits par un Nobel de littérature
Créée
le 28 août 2020
Critique lue 362 fois
3 j'aime
D'autres avis sur Une journée d'Ivan Denissovitch
Une journée type dans un camp de travail du zek (prisonnier) Ivan Denissovitch Choukhov, du lever au coucher, entre courbatures, travaux forcés, entraide entre forçats et maigres repas. La grande...
Par
le 3 oct. 2012
15 j'aime
Historiquement, ce témoignage est incroyable dans sa description du quotidien avec un ton banale, un peu détaché, mais dont la vérité transpire à chaque ligne. Et c'est peut être ça qui fait que, en...
le 23 août 2013
5 j'aime
1
Soljenitsyne, contrairement à Primo Levi, décide de parler d'une journée banale d'un zek fictif : Choukhov. Un personnage totalement normal, loin du romanesque de César qui, lui, est inspiré d'un...
Par
le 4 nov. 2012
4 j'aime
Du même critique
Diego Maradona est un nom que tout le monde connait. Celui d’un footballeur légendaire mais c’est également le titre du nouveau documentaire d’Asif Kapadia, réalisateur britannique à qui l’on devait...
Par
le 3 août 2019
15 j'aime
3
93 est l'ultime roman de Victor Hugo et n'est pas loin d'être mon favori. Dans les Misérables, le grand père de Marius ne cesse de parler de cette fameuse année 1793 et c'est pour cela que j'ai eu...
Par
le 3 nov. 2015
13 j'aime
3
The Circle est un film très, très intéressant qui en dit beaucoup sur notre époque.Il s'illustre bien plus par son fond que par sa forme. De plus, le casting est excellent, Emma Watson qui joue Mae,...
Par
le 14 juil. 2017
11 j'aime
1